Appel à la libération d’Esteban, des Hommens, et à la fin des arrestations politiques.

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Va-t-il falloir aller les libérer nous-mêmes de nos prisons pour obtenir justice ?

Il y a quelques années de ça, étudiant sur le qui vive, je m’étais retrouvé par hasard au milieu d’une manifestation agitée. Plus que la cause que je trouvais un peu futile (la construction plus rapide d’une bibliothèque universitaire), c’est l’attitude des forces de l’ordre qui m’avait fait m’arrêter pour soutenir mes camarades. Je m’étais donc joint volontiers à un groupe de révoltés, étudiants effectivement, mais aussi casseurs de banlieue, anarchistes, badauds, tous ayant des profils divers et variés.

 

Les uns pillaient, les autres manifestaient, certains étaient là par curiosité, les derniers fantasmaient le renversement du pouvoir, et chacun hésitait un peu entre toutes ces attitudes.

 

Après moult tentations pour un jeune esprit comme le mien pris dans la fureur de l’action, j’avais renoncé à piller et me contentais de manifester le plus pacifiquement possible.

 

Le groupe des manifestants avançait et reculait au gré des charges des forces de l’ordre et de leurs lancés de lacrymogène. Ceux qui vivent en ce moment les manifs contre la loi Taubira sur Paris se font la main comme j’ai commencé à me la faire il y a de cela une vingtaine d’années dans des manifs étudiantes qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à celles-là. On apprend beaucoup de la loi, de l’Etat, et de soi-même dans ces moments là. Comme j’ai toujours eu horreur d’être à l’arrière, je menais le cortège avec quelques collègues. Ces 2-3 amis de fortune, bien plus excités que moi, avaient renversé des poubelles, y avaient mis le feu et insultaient copieusement les forces de l’ordre. Je trouvais tout ce raffut bien inutile voire contre-productif, mais si nous étions « ensemble », je jugeais surtout chacun responsable de ses propres actes. Quant à moi, je me contentais d’opposer une présence ferme et tranquille aux CRS.

 

A un moment donné, au milieu de la rue, je me souviens même leur avoir offert une danse du ventre des plus joviales. Et je crois même que c’est à ce moment précis, quand je leur tournais le dos pour leur montrer mon postérieur (habillé, je précise), que je vis le regard apeuré d’une fille en face de moi, au milieu d’un groupe, à une 20aine de mètres dans une rue adjacente, et que je fus saisi par deux types assez costauds. Pris par surprise, je tentais de me débattre de toutes mes forces. Je ne savais même pas ce qui m’arrivait. Avant de me retourner j’avais seulement aperçu deux civils courir dans ma direction. Je n’avais pas compris qu’ils étaient officiers et qu’ils s’étaient précipités sur moi pour procéder à mon arrestation. Désormais, je voyais ce groupe qui avait assisté impuissant à ma capture, changer de visage. Outrés, les visages tendus, ils étaient prêts à foncer sur les deux flics en civils pour me venir en aide. Ils firent 5m dans ma direction puis les CRS chargèrent pour soutenir leurs collègues, le cordon avança et d’autres vinrent les aider. Je fus maîtrisé. Au sol, un genou sur la tête, un autre flic m’écrasait le dos, tandis qu’un troisième me tenait les mains. Une explication plausible m’étant arrivée jusqu’au sommet du crâne, je me détendais enfin. Je fus menotté et emmené dans le panier à salades. Les flics en civil m’avaient trouvé dur à saisir et me demandèrent si je faisais du rugby. La conversation fut chaleureuse. Je me retrouvai dans le fourgon et fut vite rejoint par des personnes qui avaient été embarquées au hasard, un jeune couple pris sur le pas de sa porte, et d’autres dont je ne me souviens pas bien la situation. Mais je me rappelle que les arrestations avaient été pour le moins arbitraires.

 

Au poste on prit nos cartes d’identité, et on nous mit tous dans une cellule pourrie et pleine qui sentait la pisse. Je ne savais pas trop ce qui m’attendait et j’étais à moitié rassuré. Je fus laissé peu de temps à mes réflexions. Le talky du policier donna de la voix. C’était important. Je compris que les manifestants se dirigeaient vers le poste de police. Dans un mouvement de folie collective comme il y en a quelquefois dans l’histoire et face à mon arrestation injuste, ainsi qu’à cause de plusieurs autres, les manifestants avaient pris la décision, collective, et par centaines, de venir nous libérer. Les forces de l’ordre n’avaient pas anticipé cette réaction. Autant dire que ça faisait de l’huile dans le commissariat. Ce n’était pas les quelques policiers présents qui auraient pu tenir le poste. On nous redonna nos cartes d’identité illico presto avant de nous remettre en liberté, en nous priant de prévenir le cortège qui se dirigeait vers nous. Ce fut assez extraordinaire d’aller à la rencontrer de ces gens venus pour nous libérer, presque déçus d’avoir vaincu sans avoir à se battre, s’éveillant comme d’un rêve.

 

Quelques jours après, la préfecture se décidait à faire plusieurs exemples. Lors d’une manifestation comme celle-là, elle prit en photo un pauvre type en train de lancer une tomate, l’arrêta et lui colla 9 mois ferme. Il fit appel et sa peine fut rallongée. Un autre prit 6 mois. Les troubles finirent par cesser, soit que les revendications des étudiants eurent été prises en compte, soit qu’ils se fussent calmés, soit un peu des deux.

 

A cette occasion, j’appris trois choses essentielles en ce qui concerne notre actualité : à quel point le pouvoir pouvait être injuste mais nécessaire. A quel point le peuple pouvait être fort et tout aussi aveugle dans le bien que dans le mal qu’il accomplit. A quel point la justice de notre démocratie pouvait être guidée par des motifs politiques.

 

Le hasard de l’actualité veut que nos forces de l’ordre retiennent aujourd’hui, de manière arbitraire, plusieurs jeunes qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, mais qui subissent un traitement identique de la part d’un pouvoir politique qui est en train de déraper. Je veux parler d’Esteban qui s’est défendu de l’agression ignominieuse de Clément Méric accompagné de ses petits camarades antifas, et de trois Hommens qui ont été mis en examen pour avoir perturbé la finale de Roland Garros et qui seront jugés en juillet.

 

Si nous ne volons pas à leur secours, tous vont être condamnés pour des questions iniques. Le premier parce que le gouvernement Ayrault a besoin de se payer une renommée sur le dos d’extrémistes qui n’existent que dans leur tête ou dans leur camp. Les seconds parce que ce même gouvernement veut briser la contestation contre la dénaturation du mariage.

 

L’heure est grave.

 

La situation de ces jeunes hommes est inacceptable. Les moyens médiatiques et judiciaires qui ont été mis en œuvre sont disproportionnés et augurent des prises de décision injustes. Ceux-là n’ont que le tort d’avoir un look différent ou d’avoir agi à l’encontre d’un pouvoir qui supporte de moins en moins d’être contesté. Voilà où nous en sommes arrivés après quelques années d’une laïcité sans contre-pouvoir qui croit savoir gouverner seule malgré ses nombreux échecs dans l’histoire.

 

Je me rappelle qu’un jour, des centaines de personnes sont venues à mon secours vers ce poste de police et que rien n’aurait pu les arrêter parce qu’elles étaient solidaires les unes des autres, parce qu’elles étaient emplies d’un même sentiment de révolte contre l’injustice qui s’était déroulée sous leur yeux.

 

Une bien plus grande injustice est en train de se commettre sous les nôtres.

 

Soutenons-nous !

 

Que peut réellement ce gouvernement ou un autre contre le peuple rassemblé ?

 

Certains ne veulent pas que nous nous rallions ensemble, parce qu’ils les jugent infréquentables. Mais ils le sont parce que le pouvoir en place nous les a présentés comme tel. Il est temps de comprendre que ce genre de division fait le jeu d’un pouvoir de plus en plus illégitime. Pour eux, nous sommes tous des extrémistes. Alors entre extrémistes, liguons-nous. L’injustice que vivent les uns n’est pas différente de celle que vivent les autres, dans ce domaine et dans bien d’autres, nous aurons l’occasion d’en reparler. Il est peut-être temps de commencer à mettre à plat un certain nombre de pratiques de notre démocratie.

 

Ce faisant, je me joins donc à l’appel de Serge Ayoub (ER du 12/06/2013) et à celui du collectif de l’Observatoire de la Christianophobie (OC du 12/06/2013) pour demander la libération immédiate de tous nos prisonniers politiques.

 

Je demande à ce que toutes les organisations humanitaires, les groupes et les associations politiques, tous les réseaux préoccupés de l’avenir de notre France, se joignent à cet appel.

 

130612hom

11 réponses à “Appel à la libération d’Esteban, des Hommens, et à la fin des arrestations politiques.”


  1. Avatar de Léonidas Durandal

    "Comment soutenir financièrement et moralement les prisonniers politiques de Romans sur Isère ?" Breizh du 30/11/2023.

    Où en est Esteban ? C'était en 2013. Il a pris 8 ans de prison. La droite n'a rien fait pour lui. Trop proche du peuple ? 


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