La fabrique à consentement : l’exemple du féminisme dans les éditions du Reader Digest avant 1968 (2/2)

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Le placard de la démocratie américaine porte en lui quelques cadavres de 60 ans dont l’odeur forte nous parvient encore. Après avoir étudié le lien entre féminisme et capitalisme ultra-libéral au travers des publicités d’avant 1968 (1), voici la suite de cette étude sur l’avant révolution sexuelle, cette fois dans les articles de ce journal populaire que fut le Reader’s Digest.

Les plus jeunes imagineront mal à quel point cette publication influença l’Occident d’après guerre. Mais rappelons-leur que les moyens de communication n’étant pas ce qu’ils sont aujourd’hui, les journaux papiers eurent une énorme influence dans des populations qui étaient assez homogènes. Parmi les nombreuses publications disponibles, le Reader’s Digest fut certainement celle qui eut une des plus larges audiences dans sa catégorie. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler qu’un chanteur comme Serge Gainsbourg eut son premier succès en jouant le personnage d’un contrôleur de train qui rêvait en lisant le “Reader’s Digest”. Sorte de “name dropping” avant que ce concept n’apparaisse, l’utilisation d’une référence connue de tous, permit au chansonnier de faire entrer l’auditeur dans un univers facilement indentifiable, et par là-même, de donner de l’épaisseur au personnage qu’il voulait esquisser :


Le poinçonneur des Lilas 1959 par jaydooy

Le Reader’s Digest était donc un des journaux les plus connus de son temps. De surcroît, ce trimestriel regroupa une sélection d’articles pris dans les plus grands journaux américains existants : New-York Time, the Reporter, Collier’s, Washington Post, Look, Saturday Evening Post, Time magazine etc… Sa politique éditoriale relevait donc d’une orientation idéologique et d’une audience qui lui étaient propres mais aussi et plus largement, de contenus répandus bien au-delà de sa sphère directe d’influence et dont l’idéologie satisfaisait pourtant aux objectifs qu’il poursuivait.

S’il fut le révélateur d’une époque, il ne se contenta pourtant pas de mettre sur papier les aspirations d’une population traditionnelle grisée par les possibilités de s’enrichir et en passe d’être submergée par les évolutions sociales qui en seraient la conséquence. Il influença également ces évolutions en reprenant des articles bien sentis, qui prirent en compte les croyances de ces populations tout en leur donnant des perspectives nouvelles.

 

La place centrale des femmes.

 

Les femmes, principales objets de ce dialogue étaient au centre des préoccupations sociales de l’époque comme elles le sont encore, comme elles l’ont peut-être toujours été. Pilier de la consommation, ordonnatrices de fabrication, elles pouvaient désormais envisager de conquérir directement les centres de production grâce aux dernières évolutions techniques (pilule contraceptive, infanticides par avortements, machine à laver le linge…). Ce journal allait les accompagner sur ce chemin.

 

L’homme ?

 

Sans qu’ils ne le sachent consciemment, il ne restait déjà rien aux hommes. L’avis de ces derniers, s’il n’avait jamais réellement compté, n’était en rien sollicité, ou juste pour la forme. On savait déjà que les hommes produisaient aveuglément et qu’ils continueraient à le faire. On savait aussi que ceux détachés de la production de biens pour générer de la pensée, seraient fidèles aux femmes. Le monde moderne entra donc en dialogue avec ces dernières comme seules interlocutrices valables, tout en empêchant la plupart des hommes d’accéder au contenu réel de cet échange. La trahison était proche, le bon père de famille le sentait, mais comment entrer sur un terrain dont il ne connaissait rien, pour lequel il n’avait aucune affinité et qui constituait pour lui la barrière infranchissable de la différence des sexes ? Comment faire contre-poids également, à tous ces professionnels masculins qui soutenaient ces femmes dans leur démarche par un discours pseudo-scientifique très loin de son quotidien ? L’écart était trop grand et tandis que de nombreux hommes crédules jouaient le rôle de la mixité, cet écart devint un fossé paraissant toujours plus infranchissable. Encore aujourd’hui, peut-être plus qu’hier, à cause de leur débâcle sociale et familiale, de nombreux hommes méprisent l’intelligence des femmes, parce qu’ils ne la comprennent pas, parce que trop différente de la leur, ils ne la voient pas, parce qu’ils ne s’y intéressent pas, et misent encore sur la confiance aveugle qu’ils ont dans le beau sexe, parce qu’ils aiment plus que tout, la notion de complémentarité. Ou bien encore, parce que cette intelligence leur fait peur et blesse leur orgueil. Et puis cela arrange tellement les femmes…

 

Le Reader’s Digest.

 

On s’adressa à l’intelligence des femmes parfois directement, mais plus souvent par de nombreux sous-entendus. Aujourd’hui, la fabrique à consentement s’est tellement industrialisée, elle est devenue tellement brutale et généralisée quand elle s’adresse aux enfants par le biais de tant de dessins animés, aux adolescents et aux adultes par le biais de tant de séries télévisées, ou de téléfilms niais dans lesquels la réflexion est orientée à dessein, qu’on a du mal à entrevoir que cette manipulation ait pu tâtonner et avoir du mal à convaincre à cette époque. Et pourtant… il fallut y mettre les formes avec ces femmes. Bien mieux armées que les nôtres pour résister à une forme de manipulation moderne, elles avaient reçu une instruction de base, elles bénéficiaient également des leçons d’un père, et possédaient surtout une longue tradition culturelle féminine pour les accompagner tout au long de leur existence. Ces femmes là avaient toutes les cartes en main du bonheur. Il paraissait difficile de les en déposséder sauf à leur faire croire qu’elles méritaient toujours plus, ou bien qu’elles fussent oppressées. L’idéologie libérale et communiste encouragèrent donc en elles ces deux penchants, tandis qu’une sorte de féminisation des esprits participait également à l’élaboration de ces théories. Cela prit plusieurs décennies de discours protéiformes mais elles y arrivèrent par degrés. On les flatta en leur suggérant qu’elles n’étaient peut-être pas si heureuses que cela, qu’elles bénéficieraient sans mesure de l’époque qui s’annonçait, que le monde des hommes serait leur prochaine conquête. Bref on joua alternativement sur leur désir d’épanouissement personnel et sur leurs rancoeurs mais aussi sur leur désir de plaire aux hommes. Il fallut en outre la défaillance de leurs compagnons de route pour qu’elles finissent par se laisser convaincre par les plus folles d’entre elles. Car beaucoup d’hommes accompagnèrent les femmes dans ces “évolutions” avec une naïveté d’adolescents. Immatures, ils générèrent l’immaturité. Certes, notre société est devenue plus riche que jamais et elle a réussi dans les objectifs qu’elle s’était donnée. Les femmes ont poussé au maximum leurs avantages et Dieu sait qu’ils se sont accumulés eu égard au développement technologique que nous avons connu, mais aussi aux “progrès” de la représentation démocratique qui a joué directement et indirectement en leur faveur (11). Cependant pour paraphraser M Soljénitsine “entre-temps on nous a enlevé le bien qui nous était le plus précieux : notre vie intérieure”. Oui, il y a des réussites en forme d’échec, des accueils qui ont tout l’air d’abandons. Et contre toute attente, en pleine expansion économique, alors que nos représentants politiques féminisés leur sacrifiait tout, la situation réelle des femmes s’est détériorée : augmentation des viols, des violences conjugales, du célibat, de l’enfermement monoparental, harcèlement de rue et désormais pauvreté. Je ne vous parle pas même pas de la situation globale des hommes et des enfants… De fait, la situation réelle des femmes ne pouvait s’améliorer car elle se concevait comme déconnectée du reste de l’humanité, et finalement indifférenciée de celle des hommes. Elle était impie.

 

Remonter le temps à la recherche de notre avenir.

Méconnaissant nos différences intrinsèques, travestissant nos aspirations, méprisant la nature pécheresse de l’homme, nous avons donc gâché collectivement toutes les possiblités qui nous avaient été offertes. Nous nageons aujourd’hui dans une incompréhension totale de ce qui nous est arrivé. Nous ne nous rappelons même plus cette époque faite de certitudes et d’espérance en l’avenir. Au contraire, toutes les perspectives heureuses semblent s’être éloignées à jamais et une majorité de la population est maintenant persuadée que la chute est inévitable. Des choix individuels enlisés dans un brouillard social sont devenus notre seul horizon. Ce manque de perspectives est allié à un pessimisme objectif : comment pourrions-nous prendre des mesures de bonne intelligence en pleine période de crise tandis que nous n’en avons pas été capables en pleine croissance ? Beaucoup de gens sentent bien que nous subissons des erreurs que nous alimentons tandis que nos décideurs politiques attendent que la croissance revienne, un peu de manière magique. Et certes, elle reviendra peut-être en attendant notre dégérescence complète. En attendant la fin de cette chronique d’une mort annoncée, il nous reste encore un espoir. En remontant le temps, en nous plongeant dans ce passé oublié et falsifié par les féministes, nous réussirons peut-être à éviter de reproduire nos erreurs. Pour cela, il faudra que nous comprenions et que nous intégrions que la libération de la femme n’en a pas été une, qu’humainement, moralement, collectivement, nous avons vécu une régression terrible, et que toutes les découvertes scientifiques auraient pu avoir des effets positifs, si nous avions accepté de les mettre au service du développement humain au lieu de croire en la force de notre propre avidité. En outre, remonter le temps nous permettra peut-être en tant qu’hommes, d’assumer un travail d’introspection que nos aïeux n’ont pas su mener collectivement jusqu’au bout et de manière consciente. S’il est plus difficile de revenir sur soi que d’interroger le monde, surtout en période de dégénérescence, peut-être qu’en prenant conscience d’où nous venons, quelle a été la pensée de ceux qui nous ont engendrés, et surtout comment ce processus d’anihilation a pris corps pour détruire nos ancêtres, nous pourrons peut-être relever le défi que les femmes et la société libéralo-communiste nous proposent.

 

 

Avertissement sur l’emploi du terme “fabrique à consentement”.

 

Si j’utilise dans le titre de mon article, un terme que Noam Chomsky a largement contribué à vulgariser, “la fabrique à consentement” (la “fabrication du consentement” pour les traductions françaises, traduction qui me semble moins juste), je pense que sa démarche, bien qu’excessivement intéressante, a péché gravement par son incomplétude sur des points essentiels. S’il a bien étudié en lui-même le mécanisme institutionnel de cette fabrique à consentement, s’il a même décrit le rôle des organisations religieuses comme contrepoids à cette mécanique médiatique, son anarchie politique naïve a fourvoyé de nombreuses personnes. En le suivant sur son chemin intellectuel, les tenants de sa démarche en ont oublié que le vrai problème c’était eux-mêmes, leur moralité, leur situation pécheresse, leur passé, leur histoire et au final, leur liberté. En éfleurant seulement la responsabilité religieuse de chacun, en niant l’importance des phénomènes de croyance dans la marche de nos démocraties, en ménageant les susceptibilités individuelles, en pensant le dialogue et la médiation par des cas de politiques concrets et non par des exemples personnels de décision humaine, il a permis qu’une dissidence devienne aussi aveugle que le pouvoir qu’elle avait contesté. Ses dénonciations se sont donc faites à juste titre, mais elles n’ont pas permis une prise de conscience efficace. Au contraire, elles ont alimenté une nouvelle fabrique à bonne conscience pire que celle d’hier. Voilà comment le féminisme a pu s’imposer sous ses yeux et avec son soutien comme nouvelle forme de fabrique à consentement en renouvelant le capitalisme dans ce qu’il avait de plus destructeur. Si on n’y prête garde en général, et surtout si on exclut l’examen de conscience religieux d’une prise de décision ou d’une idéologie, la dissidence d’hier engendre forcément la fabrique à consentement d’aujourd’hui. Cette dissidence alors soulagée de tout examen moral n’est plus freinée dans ses ambitions intellectuelles et accouche d’une société pire que celle qu’elle se targuait de dépasser. Ici, nos dirigeants passés emprunts de religiosité chrétienne ou contraints par ce cadre, ont laissé place à des personnes qui organisent maintenant le consentement sous forme matérialiste/laïque et peuvent se donner bonne conscience à meilleur compte qu’avant. Libérés de toute incarnation de la rédemption, ils s’imaginent être capables de défendre seuls, et plus qu’avant, la veuve et l’orphelin. En fait, ils en sont venus à pratiquer le mal sans même s’en apercevoir. Car les péchés d’hier sont les mêmes que ceux d’aujourd’hui, tout comme les vertus dont un être élevé doit s’armer pour réussir à se dépasser. L’être qui ignore cette constante vit en aveugle tout en étant imbu de son handicap. Il est amené à multiplier les erreurs et à vivre en parasite de ce monde mais restera persuadé d’agir au mieux. On ne peut agir au mieux sans cadre religieux. Ce genre de forfaiture dure autant que l’argent coule à flot. Nous en voilà, for heureusement, au bout.

 

Précision sur la validité scientifique de mon travail.

 

J’ai pu étudier une trentaine d’exemplaires du Reader’s Digest, soit une vue d’ensemble pour 8 années d’après-guerre. La plupart des exemplaires que j’ai pu récupérer se concentrent entre 1954 et 1966. Vous trouverez souvent un article féministe par numéro, plus rarement deux, pour la simple et bonne raison que les articles qui attaquaient la famille se répartissaient de manière uniforme : un ou deux à chaque numéro. Je ne crois que cette répartition ait été le fruit du hasard. Au-delà des nécessités d’édition qui imposent de varier les sujets, je pense que le rythme de bourrage de crâne féministe envers des femmes de culture catholique ne devait pas être trop soutenu, pour éviter une redite qui aurait paru coupable ou qui aurait lassé la lectrice, ni trop lâche, pour que cette dernière ne perde pas le fil. Voici donc une étude qualitative dont l’objet n’apparaîtra qu’en considérant son plan d’ensemble sur plusieurs années d’une volonté constante. Le cadre théorique antiféministe le révélera et lui donnera tout son sens. Ainsi tout au long de ces numéros, j’étudierai comment l’autorité paternelle aura été attaquée, l’indépendance des femmes promue, l’époux rabaissé, la sacralité du mariage mise en doute, l’égocentrisme féminin favorisé, le célibataire homme ridiculisé et la libération sexuelle promue, tout cela mis bout à bout, formant un corpus idéologique bien identifiable : celui du désir féministe.

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1 L‘autorité paternelle attaquée.

 

L’image du patriarche devait être relativisée, assouplie, désacralisée avant de pouvoir être éliminée. Il fallait faire appel à leur sensibilité, ou comme dans ce texte de W Livingston Larned en 1947, à leur culpabilité de faire l’éducation de leurs fils. Ce texte fera le tour du monde et a même signé son retour sur internet il y a quelques années grâce à youtube : “Les pères oublient parfois…”

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Grâce à ce genre de mièvrerie, les pères crédules commenceront à détester leur rôle. Il deviendra inutile pour eux d’énoncer des règles de vie qu’ils jugeront désormais propices à faire souffrir sentimentalement leurs enfants sans raison. Si ce texte a eu pour but de toucher le coeur des hommes, ce ne fut pas de manière directe. Ici, il s’agissait plutôt de faire passer cette image à travers l’esprit et le coeur des femmes qui le liraient et qui y seraient réceptives, puis qui tenteraient d’influencer leur mari en un sens qu’elles jugeraient profitables pour tous. Leur pauvre petit chéri perdrait en souffrance ce que leur mari gagnerait en relation fraternelle. Elles feraient ainsi le bonheur de chacun des membres de leur famille. Pour bien comprendre l’impact de ce genre de texte, il faut imaginer combien une femme qui décide de se mettre en travers de son mari, ou tout simplement qui ne le légitime plus, peut avoir de pouvoir, et combien, en outre, la souffrance de ses enfants peut la blesser au plus haut point, quand bien même cette frustration temporaire leur permettrait de grandir. En effet l’autorité paternelle a besoin d’être légitimée par le deuxième parent si elle veut apparaître forte, solide et en un mot unie aux yeux de l’enfant. Si l’autorité est faible, l’enfant usera de sa force d’inertie pour se réfugier auprès de sa mère quand son père voudra faire son bien, puis il la désavouera quand elle essayera d’exercer son autorité pour le faire grandir. Et ce petit jeu rendra fou n’importe quelle famille.

L’homme immature qui a écrit ce texte était donc sous l’influence d’une femme qui avait réussi à le culpabiliser de son rôle. En s’exprimant ainsi, il renonçait à être homme, adoptait les valeurs féminines et allait engendrer l’espèce de sous-race qui proliférerait jusqu’à nos jours. Cet appel ne pouvait déboucher que sur une infantilisation des hommes et une augmentation des désunions sous couvert de vouloir faire le bonheur de tous. Les femmes qui relayèrent en masse un écrit qu’elles n’avaient pas directement produit mais qu’elles avaient su provoquer, firent preuve d’une forme de mobilisation extraordinaire que les hommes devraient apprendre à repérer et à respecter s’ils veulent un jour, devenir des citoyens égaux aux femmes.

 

Bien que moins directe, cette volonté de ne voir qu’à travers les désirs immédiats de l’enfant est renouvelée en 1962 dans l’article de Normam Lobsenz “Ne gâchons pas leur enfance“.

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En se donnant les apparats du refus des questions de rentabilité trop tôt, de protéger des petits fragiles, de combattre la maladie psychosomatique chez eux, soit toute la thématique féminisée d’une éducation ratée, il faudrait surtout laisser flâner les enfants, prendre en compte leurs aspirations intrinsèques afin qu’ils se développassent bien. Le pédagogisme qui va envahir l’école quelques années plus tard est déjà là. Car en confondant besoins et désirs de l’enfant et en faisant comme si ces deuxièmes pouvaient se placer sur le même plan que ces premiers, on en vient forcément à étendre les prérogatives des mères au-delà de ce qui serait bon qu’elles soient. Plus tard, si le désir de l’enfant est devenu un besoin à satisfaire, il faudra que l’école s’y plie également. L’école deviendra ainsi un substitut maternel qui préservera l’enfant de toute blessure émotionnelle qui pourrait le traumatiser, donc de toute blessure émotionnelle, l’empêchant ainsi de devenir un adulte. Norman Lobsenz recevra pour ses publications tous les prix possibles et imaginables de la part d’associations familiales américaines. Et lui qui se targuait de donner tant de leçons en matière d’éducation et de respect de l’autre, divorcera pas moins de 4 fois avant de prendre une 5ème compagne qui lui donnera de nouveaux enfants…

 

Dans ce cadre d’un progressisme qui avait toute les apparences d’un laxisme forcené, il faudra que le rôle du père soit encore longuement relativisé par ces hommes menés par le bout de leur sexe avant que nous en arrivions jusqu’à aujourd’hui à remettre en cause le concept même d’homme et de femme avec le “gender”. En 1954 dans “Pères à ne pas envier” publié d’abord dans le New York Time, cette relativisation prend d’abord le ton de l’humour, et présente des modes de paternités divers et variés, issus du monde animal.

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Ces comparaisons prêteraient à rire s’il n’avait pas été question de faire de l’éthologie orientée. Dans cet article, on apprendra donc que certains “papas” du monde animal s’occupent des enfants, les couvent, les nourrissent en bas âge. Quand on vous dit que tout pourrait être différent ! 60 après, nos néo-animaux, je ne sais pas comment les appeler, poussant toujours plus loin leur exaltation régressive, vous parlent désormais sans honte de la sexualité des bonobos comme d’un exemple pour l’espèce humaine, de leurs pratiques homosexuelles comme d’un comble de la pacification sociale, et de la relativité du genre comme d’une évidence. Il faut dire que la bêtise humaine suit de près les possibilités scientifiques qui nous sont offertes, possibilités scientifiques qui nous permettent de plus en plus de nous reproduire de manière “artificielle”, sans père et bientôt sans mère.

 

2 L’indépendance des femmes promue.

2.a L’indépendance des femmes par le célibat.

Dans l’article le plus ancien répertorié sur ce thème (1948), “J’enseigne à ma fille l’art de vivre seule” , David L Cohn un libéral libertaire qui écrira aussi des discours pour le parti démocrate, ne présente pas le célibat comme une finalité en soi. Cette idée telle quel, n’aurait pas pu être reçue. Mais il promeut déjà le couple comme la vie de deux personnes indépendantes qui devraient être capables de se gérer seules.

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Derrière la fausse provocation s’en cache une vraie, celle qui voudrait que l’individu plus évolué d’une société catholique ne devrait pas s’en remettre aux autres dans des liens d’interdépendance. L’idée de complémentarité est évacuée, doucement.

Le recours est dans notre faculté de savoir vivre seuls, de nous suffire à nous-mêmes“,

nous dit l’auteur en parlant de spiritualité intérieure, préparant en cela l’attirance sociale pour la régression bouddhiste qui allait suivre dans les années 70, et nous mener jusqu’aux cours de développement personnel et de coaching plus récemment. Dans cet article très significatif de l’esprit d’une époque, le fait de vieillir, d’avoir des difficultés et des soucis dans la vie, sont des obstacles qui pourront d’autant plus facilement être dépassés que la personne aura choisi de les assumer “seule”. Nos maisons de retraite ne se remplirent par la suite qu’à cette condition, celle d’une acceptation complète par les individus eux-mêmes de la responsabilité de leur sort.
Un peu plus tard en 1960, cette volonté de s’assumer seule prend carrément la forme d’une promotion du célibat dans “Femmes sans homme” d’Eleanor Harris tiré du magazine Look. Ici, on présente tous les aspects positifs du célibat, et le fait que ce “choix” soit bien vécu pour certaines femmes.

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Le discours “indépendantiste” mâtiné cette fois de psychologie y est repris plus crûment :

“Savoir se passer des autres, soit dans le mariage, soit en dehors, c’est ce qui compte avant tout. Car tout être humain pour être heureux, doit pouvoir se suffire à lui-même”.

S’en suit une longue diatribe contre les veuves ou les célibataires angoissées qui oseraient encore pleurer sur leur sort après ce brillant exposé. A 12 ans d’intervalle la terminologie est presque la même, mots pour mots. Le discours s’est radicalisé, peut-être encouragé par les recherches frauduleuses d’Alfred Kinsey sur la corruption de la société américaine qu’Eleanor Harris cite avec complaisance.

Deux ans encore après, en 1962, John B. Scofield éminent professeur de psychiatrie attaque le problème sous un autre angle dans “Le mariage, ne vous pressez pas trop “: quand on est trop jeune, on ne sait pas bien ce qu’on fait, et on s’engage sans savoir à quoi nous nous engageons. Il vaut peut-être mieux attendre…

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Sachant que dans la vie, même à la fin, on ne sait pas bien ce qui va pouvoir nous arriver, l’attente avant d’être certain de l’issue de son mariage pourrait être bien longue si on ne se jetait pas dans le vide un jour ou l’autre. Ce conseil du journaliste procède encore de l’idée fausse qu’il nous faudrait tout maîtriser dans la vie avant de faire quelque chose. Or, un mariage réussi tient plus à l’éducation qu’on a reçue qu’à une forme de volontarisme individuel. La longue succession des générations demande que les aïeux fassent le travail pour assurer l’avenir de leurs enfants et non que les enfants redécouvrent seuls, et trop jeunes, les clefs du bonheur. Un mariage réussi tient à la volonté de deux familles d’éduquer leurs enfants dans cette perspective. Et des enfants qui croiraient tout pouvoir après s’être mariés seraient sur une bien mauvaise pente. Ceci expliquant, là-encore, cela, les divorces se sont multipliés dans notre société grâce à ce genre de discours.
Après la fameuse révolution sexuelle de juin 1969, Morton Hunt s’attaque enfin au noeud du problème, de manière directe dans cet article “Pourquoi des enfants si tôt ?”.

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Le désir de maternité est le plus difficile à contraindre. Il multiplie des enfants que des malthusiens avides de pouvoir jugent déjà trop nombreux à la fin des années 60. De plus, dans une société traditionnelle, ce désir d’enfant pousse au mariage et force à l’engagement. Dès lors, pour remplir à des objectifs de limitation des naissances et d’augmentation du capital familial, il devient urgent de le relativiser, prétendre qu’on peut enfanter plus tard. Car la limitation des naissances par infanticides n’est toujours pas envisageable. L’idée de pilule contraceptive commence juste à faire son chemin. La procréation est suivie de près par un mariage ou inversement. Seul un discours d’apparente mesure peut s’attaquer au fond du problème.

Pour bien que vous compreniez quelles sont ces idéologies qui sont à l’oeuvre dans la société occidentale de ces années là, il faut que je rajoute à ce point de mon discours quelques éléments biographiques concernant le professeur Morton Hunt. Financé par la fondation Playboy (sic), il poursuivra les recherches frauduleuses du professeur Kinsey sur la supposée sexualité déviante des Américains et développera quant à lui, le mouvement connu sous la dénomination de “Sexologie”, un monument de niaiserie animale et comportementaliste. Il tentera aussi d’assoir le concept de genre comme hypothèse scientifique valide et dénoncera les attaques politiques des réseaux d’influences conservateurs jugés “anti-science”. Quand on sait que maintenant aucun théoricien du genre ne s’ammuserait à se définir comme appartenant justement à une quelconque forme de théorie scientifique, ce genre d’attaques de mauvaise foi feraient doucement rires si elles ne s’étaient pas imposées dans l’esprit de nos contemporains comme d’une évidence. En matière de réseaux d’influence, ces gens politisés, incompétents et a-scientifiques qui réussiront à publier de nombreux articles dans un journal dit de droite, n’avaient vraiment aucune leçon à donner aux conservateurs qu’ils dénonçaient sur ce thème.

 

Quelques années plus tard, tout ces conseils de prudence et de peur auront fini par payer : les “jeunes” choisiront d’avoir leur premier enfant quatre ans plus tard qu’à cette époque. La limitation des naissances aura été une complète réussite, faisant passer tous les pays occidentaux en-dessous du seuil de reproduction, notre civilisation devant faire appel à l’immigration pour renouveler ses populations.

Dommage collatéral, à force d’esprit “d’indépendance”, plus de la moitié de la population française finira par vivre seule (2).

 

2.b L’indépendance des femmes par le travail salarié.

 

Le célibat n’est envisageable que dans une société où les femmes travaillent de manière salariée. L’indépendance apparente ne peut provenir que de là. Les femmes pouvant gagner de l’argent seules, la richesse exploser, et la société se payer des enfants moins chers par l’immigration, le travail salarié des femmes devient synonyme de progrès. A l’époque, l’explosion démographique mondiale est déjà vue comme un problème par nos décideurs politiques, même en Occident. Que les femmes fassent moins d’enfants, ne dérangera personne. Au contraire, elles alimenteront d’autant plus une machine qui très significativement, préfère créer de la richesse plutôt que de faire naître une génération nombreuse. En tout état de cause, notre transition démographique devra s’achever par le travail salarié et généralisé des femmes, phase ultime du progrès. Et pour ce faire, la femme doit d’abord prendre conscience de la pauvreté matérielle qui est la sienne et vouloir la dépasser. Tel est le sens de “Ne touchez pas à mon standing !” en 1961, article tiré du best seller de Jean Ferr (Jeanne en Français) “Ne mangez pas les marguerites”.

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Formée à l’université catholique, Irlandaise d’origine, elle écrit sur le ton de l’ironie et évoque l’isolement et les privations d’une épouse “moyenne”. Que cette femme ait été ô combien plus riche que ses mères n’a aucune importance ici. Il lui faut se fixer de nouveaux objectifs de consommation supérieurs aux anciens mais qui sont jugés comme raisonnables. Cette femme mime donc des conditions de vie difficiles qui ne sont pas les siennes, en ne voyant que par ses manques, et indique à ses soeurs le chemin à suivre : celui de l’insatisfaction. Consommer certes, mais consommer d’autant plus, il faut se mettre à produire. En 1960 Betty Lou Raskin avec “Une femme a aussi sa place au laboratoire” traite déjà de la question de la sous-affection des femmes pour les matières scientifiques.

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Le trimestriel cherche à les inciter à s’engager dans ces filières. Hommes et femmes ne sont pas différents, ils peuvent bien entendu faire les mêmes métiers ! Et puis, on manque d’ingénieurs. Durant plusieurs décennies, Betty Lou Raskin sera présentée comme un modèle de foire ayant réussi. On oubliera de préciser qu’elle n’aura ni enfant, ni même mari, et que toute sa fratrie dont une soeur bien placée sera presque aussi infertile qu’elle.

En 50 ans, le discours sur l’investissement des femmes dans les matières scientifiques n’a pas changé d’une once alors même que le chômage se sera considérablement développé entre-temps. Envers et contre toutes les évolutions sociales, nos décideurs politiques laissent les garçons s’enfoncer toujours plus dans l’échec scolaire (9) et les femmes ne vont pas plus en sciences hier qu’aujourd’hui, tout au moins le regrette-t-on. En réalité, encore un peu et la volonté de placer les femmes sur le marché de l’emploi à tout prix par détruire notre société. Le surcroît de consommation et de production apporté par leur arrivée sur le marché du travail salarié, ne suffit même plus à alimenter une croissance positive, sans parler de nos conditions de vie qui sont devenues pitoyables (célibat, séparations, isolement, pauvreté individuelle…) et ce, malgré la croissance. Combien de temps les quelques restes de notre tradition vont-ils pouvoir encore tenir face à tant d’incompétence ?

 

2.c L’indépendance financière des femmes à la mort de leur mari.

 

“Et si vous mourriez, votre femme a-t-elle les moyens de continuer à vivre dans de bonnes conditions ?”

Telle est la question à laquelle Frank J Taylor, ancien journaliste de guerre, tente de répondre en 1966 dans l’article au titre provocateur “Votre femme a-t-elle les moyens d’être veuve ?“.

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Cette formule déjà pleine d’impertinence, met la femme devant un gouffre autrement plus grand que celui de la mort de son mari. Sa fragilité face aux circonstances de la vie est mise à nu. Car si elle n’a pas su accumuler un petit pécule, mort du mari ou pas, elle sera à la merci de son environnement. Or la société n’est pas prête à soutenir les femmes au foyer autant que les salariées. A l’époque, la pension de veuvage ne préserve pas du tout des risques encourus par le décès de l’époux. Aujourd’hui même, après des années de soi-disant “progrès”, la pension de reversion pour une femme n’est que de la moitié de ce que gagnait le mari. Autant dire que tous les pauvres ne peuvent se permettre le luxe d’un décès du chef de famille dans un monde où les solidarités intra-familiales tendent à disparaître. Ils devront donc envisager de s’en sortir autrement, ce mouvement se renforçant d’autant plus que l’Etat mettra en place des lois qui, au lieu de soutenir l’autorité du chef de famille, tendra à la remplacer puis à la faire disparaître. Le père sans autorité, finalement absent, l’homme au chômage, le chef de famille déclassé, n’auront jamais plus la même importance en termes de soutien familial. Le pendant de cette mise à l’écart jettera d’autant plus les femmes dans les bras de l’Etat et/ou du patron, processus que des féministes mal intentionnées nommeront du terme générique pompeux d’”indépendance” pour bien induire en erreur leurs soeurs.

 

 

2.d La glorification de la femme indépendante.

 

En marketing, pour qu’un consommateur dépasse les freins inhérents à sa peur d’acheter, il faut mettre en oeuvre une stratégie de vente particulière. Celle-ci peut consister à lui offrir une image positive de lui qu’il achètera en même temps que le produit. A cette fin, on attribue au produit toutes les valeurs morales dont le consommateur en tant que personne rêve d’être pourvu, ou on identifie le produit à une star dont l’image correspondra à ce qu’il rêve de devenir. En 1954, les femmes ont encore un peu peur du produit “indépendance” vendu simultanément par le capitalisme libéral, le communisme, et leurs commerciales féministes. Pour leur faire dépasser leurs freins psychologiques, le Reader’s Digest utilise donc des histoires comme celle de la “Reine Frederika” qui va les aider à s’affranchir de leur culture. Dans cette article anonyme (?) paru initialement dans le Time magazine qui a fait sa couverture avec la photo de cette femme en 1953 et en sous-titre “Mon pouvoir c’est l’amour de mon peuple“, la célébrité est parée de tous les atours de la femme dite moderne. Séduisante, elle a su rester femme malgré ses obligations familiales. Mais surtout l’auteur de l’article fait passer subrepticement son mari de roi en second plan. Au final, on comprend qu’elle prend de grandes décisions politiques.

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On peut dire qu’en matière d’erreurs, le Reader’s Digest n’aura vraiment pas su anticiper sur la suite de l’histoire : la monarchie grecque ne se relèvera pas des décisions de cette maîtresse femme. Et l’amour pour son peuple se transformera en dictature. Mais quelle importance en 1954 ? Il est si bon de rêver sur l’instant. De s’imaginer aussi de prendre en tant que femme des décisions importantes pour l’avenir de la Nation. De vivre dans la richesse et l’oppulence. D’inverser les rôles. Bien entendu, cet exemple ne peut convenir entièrement à la femme du peuple qui a su rester les pieds sur terre et qui aura du mal à s’identifier à cet exemple lointain. Que nenni. Proposons au peuple des femmes indépendantes prises en leur sein. La même année, en 1954, le Reader’s Digest publie donc l’histoire écrite par Louis Wolfe de Tabitha Brown, “une femme vraiment indépendante” pour le moins libérée puisqu’à l’âge de 66 ans, elle se lance dans une aventure au Far West, chevauche, échappe aux Indiens, sauve tout le monde, et devient riche et surtout auto-suffisante en créant son école. Tant et si bien qu’elle peut se payer le luxe de refuser l’aide de son fils à la fin de sa vie. Elle pourra mourir seule et heureuse.

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A une époque où le Western américain fait rêver le monde entier grâce au cinéma, où ce type de média représente presque le seul et unique moyen de voir des films, vous imaginez l’impact émotionnel qu’une telle histoire a pu avoir sur l’esprit d’une jeune femme ? Aujourd’hui, on n’a pas fait mieux en terme de manipulation et les menteurs du festival de Cannes pourront toujours faire élire n’importe qui pour montrer que le cinéma lesbien est une vraie révolution, ils n’arriveront jamais à nous faire croire à leurs histoires comme ce genre d’article en eut le pouvoir à l’époque.

Une autre grosse ficelle de la manipulation des masses, est celui de l’exemple pris à l’étranger. L’étranger oui, ça va toujours mieux chez lui et c’est parce que nous sommes de sombres idiots qu’il fait mieux que nous et qu’il nous faut absolument changer pour être son égal. Ici, la femme japonaise libérée par les Américains, renonçant à la tradition après la défaite, était l’instrument du crime idéal. Dans l’article “La Japonaise aujourd’hui” en 1956, James Albert Michener l’érige en parfait exemple de femme indépendante. Et pas seulement sous la forme d’une petite tartine. En tout, 8 pages lui sont consacrées dans un trimestriel ! Voilà l’article le plus long que je publierai ici. Un monument à la gloire du féminisme qui dit tout ou presque, écrit par un ancien de la marine, également journaliste de guerre, politicien démocrate et auteur à grand succès. Dans “La Japonaise d’aujourd’hui”, les comportements anciens y sont décrits de manière apocalyptique : femme obéissante, sans aucun droit, en particulier de celui d’hériter , de voter, d’assister à une réunion publique ou de travailler sans l’autorisation de son mari, “carcan rigidement fixé” comme dit le texte, impossibilité de divorcer, interdiction d’appartenir à des associations féminines, ou de paraître trop en public, la tâche de cette femme

en revanche était simple : rendre heureux son époux et élever une quantité de garçons, avec obligation de les gâter outrageusement (on sent ici toute la haine et le fantasme autour du sexe masculin, comme si les mères aimantes n’étaient pas les premières à pourrir leurs garçons pour les contrôler)… Il va sans dire que c’était un véritable malheur de n’avoir que des filles“.

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Si toutes ces énumérations n’ont aucun sens dans une société traditionnelle, voire auraient dû être relativisées par le journaliste lui-même eu égard aux sentiments probables de haine qui devait être les siens face à son ancien ennemi, ce dernier ne trouvera pourtant aucune qualité à l’homme japonais du passé et il fabriquera son texte en usant d’anachronismes assez effrayants et sans contre-parties. L’histoire à sens unique. Bien entendu face à une situation ancienne décrite comme cauchemardesque, l’occidentalisation mirifique du pays après guerre est admise sans nuance  :

 

  • possibilité de divorcer et d’obtenir la garde des enfants, de se tenir la main dans la rue et même de s’embrasser “comme Grace Kelly“,
  • droit de vote et possibilité d’élection des femmes dans les assemblées nationales et communales, toutes ces nouvelles engagées préférant bien entendu l’habit occidental plus pratique pour travailler de manière salariée,
  • possibilité de remettre en cause un homme à voix haute et publiquement, de choisir son mari sans que ses parents ne soient au courant.

 

Toutes ces évidences présentées comme des évolutions extraordinaires et qui n’en sont pas en tant que tel, en imposent au lecteur. Bien entendu, les méchants hommes essayent d’organiser “la contre-révolution”. Ils freinent des quatre fers. Mais l’Amérique veille avec le relais de ses hommes politiques là-bas, et de ses journaux. Le journaliste, tellement persuadé de sa supériorité, donne d’ailleurs l’information sans mot couvert. Car encore à cette époque, l’Amérique est perçue et se perçoit elle-même comme la garante des libertés, et en particulier de la liberté des femmes. Et puis surtout : “A de tels femmes, le communisme n’a rien à offrir”. Ici, la concurrence entre communisme et libéralisme américain s’organise clairement autour des femmes. Il ne s’agit pas de se les approprier, mais de les amadouer en leur offrant le plus d’avantages sociaux possible. Dans ce jeu, dont les hommes sont exclus au mieux, ou bien perçus comme des ennemis du progrès au pire, l’idéologie qui gagne les consciences des femmes gagne le combat intérieur dans un pays. Le féminisme en tant que satisfaction des désirs féminins et exclusivement féminins, n’est donc pas vécu comme une simple option politique : en passer par l’assentiment des femmes est une obligation pour un système politique qui cherche à s’imposer.

 

Si, ni le libéralisme américain, ni le communisme ne veulent défendre les droit des hommes, si le pouvoir des femmes est perçu de manière aussi cruciale, on peut s’interroger : Et si tout système politique, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, et à quelque époque que ce fut, n’avait jamais organisé que la défense des intérêts féminins ? Historiquement, une minorité d’hommes exerçaient effectivement le pouvoir. Mais qui a démontré que ce ne fut pas pour protéger les femmes ? Or si désormais l’accès des femmes aux fonctions publiques, s’est généralisé de manière inédite, cela peut interroger politiquement à bien des égards : participantes et bénéficiaires du système, elles profitent à tous les niveaux d’un double statut : de celui de femme et de citoyen, de la galanterie sociale et d’opportunités publiques. Les hommes eux, n’ont jamais eu accès qu’aux bénéfices d’être citoyens (et aux contraintes), et se retrouvent donc désormais en position d’infériorité, ce que révèlent d’ailleurs les lois discriminantes en faveur des femmes et qui se multiplient. Le conflit germait déjà dans la société d’après-guerre. Il est parvenu jusqu’à nous pour nous imposer des contradictions difficilement dépassables : complémentarité ou égalité, galanterie sociale envers les femmes ou juste rétribution des efforts, nécessité de l’autorité paternelle ou inutilité de l’éducation dans une société de consommation ou de production aveugle.

 

Pour les dernières femmes qui doutent encore du chemin à suivre, en 1966, Earl et Anne Selby évoquent le roman de vie de 3 jeunes filles pour qui “ambition” et “indépendance” ont un sens! Dans “Un nouveau départ dans la vie”, trois cas sociaux, jeunes filles des quartiers, jetées à la rue, vont finir à l’université et s’intégreront malgré tout.

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Au lieu de désirer s’occuper de leur famille et de devenir psychologiquement équilibrées, ces trois femmes s’en sortiront donc par une forme de promotion sociale. La moindre petite paysanne ignorante, lisant ce récit, s’imaginera facilement à la place des héroïnes, récompensée de ses efforts d’autant plus qu’elle pressentira officieusement que ce système scolaire fera tout pour favoriser son élévation, bien qu’ayant un discours officiellement égalitaire tant au niveau des sexes qu’à un niveau social. Par la suite, le niveau de l’élève moyen baissera mais puisque la moyenne des femmes surnagera… Pire, cette même paysanne qui réussira professionnellement mais sans avoir les moyens financiers de se dégager du temps, pénalisera ses enfants qui auront d’autant plus de chances de connaître des troubles psychologiques (10). Perfidité d’un système trompeur, la fabrique à enfants libéralo-communiste et indifférenciée aura favorisé des comportements dont la génération suivante aura été victime en détournant les gens de ce qui était réellement important dans leur vie, et ceci grâce à des femmes qui se seront laissées plaisamment manipuler. Depuis 40 ans, nos décideurs politiques essaient de rattraper leurs erreurs par l’immigration. Il est temps que les autochtones leur rappellent qu’une culture forte est seule créatrice de vraies richesses, tant familiales qu’économiques, et que l’intégration en tant qu’adhésion à des valeurs élevées est seul facteur de justice et de paix sociale.

 

3 L’époux moqué

 

Sous couvert d’humour avec les femmes, les journalistes n’hésitent pas à attaquer l’image du mari. Ce sont d’abord des titres provocateurs comme en 1954 avec “Ne tuez pas votre mari” où le statisticien Louis Israël Dublin souligne que la nourriture donnée à un homme peut le tuer en particulier si elle est donnée en grande quantité.

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Journalistes et femmes savent très bien qu’elle est l’importance de la maîtresse de maison, et ils en rient. Ils s’ammusent aussi de la fatuité de l’époux qui se croit important à son travail tandis que ce qu’il absorbe par la bouche, tous les jours, dépend de sa si fragile compagne. Cette connivence peut prendre la forme de conseils où une femme qui mourrait, laisserait la place encore chaude à une autre, par solidarité féminine en quelque sorte. Dans “Je voudrais que mon mari se remarie” en 1954, Eileen Morris éditée initialement dans le magazine canadien pro-guerre, pro-avortement, féministe “Chatelaine”, explore une situation assez improbable et qui confinerait à l’excès de prévenance si on n’y prêterait garde : le remariage après un deuil encouragé par l’ancienne femme.

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Or dans cette débauche de bons sentiments, alors que le désir des dames est présent partout ailleurs, celui d’un homme n’est pas du tout écouté à un moment crucial de son existence. Comme si même dans ce cas des plus extrêmes, le deuil de sa femme, l’homme n’avait pas son mot à dire. Parlant des désirs masculins, le journaliste aurait dû écrire que les hommes qui se sont attachés à une femme durant toute une vie, sont bien souvent incapables d’en prendre une autre. Dans ce cas, ils meurrent, emportant malgré eux, leur attachement dans la tombe. Et ils n’ont pas envie de vivre autrement. Quant aux veuves, on sait depuis longtemps qu’elles ont appris à survivre en toutes circonstances. Or cela ne leur semble pas suffisant. Si exceptionnellement un homme avait le malheur de durer, il faudrait qu’il reprenne femme envers et contre ce qu’il ressent.

Si on se place du point de vue féminin, le constat est encore plus cruel. Entre elles, les femmes s’autoriseraient par avance à se partager les restes. Cela ne dérangerait ni la morte qui ferait le bonheur d’une autre, ni la vivante qui en profiterait. Le mari est ici réduit à une monnaie d’échange social pour ces dames. Pas étonnant qu’en 1966, le portrait de l’homme silencieux et incapable de comprendre les femmes s’impose dans “Mon mari ne desserre pas les dents“.

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Ici, tous les hommes aiment le silence quand ils rentrent à la maison, “Je serais heureux si tu me laissais tranquille” leur répondraient-ils quand elles les interrogeraient sur leur bonheur. Or les femmes n’auraient pas une, mais trois types de réactions face à cela : une d’affection, une autre de moquerie ou enfin d’énervement. L’homme devrait faire avec. En fait, les femmes se conçoivent ici comme le centre du monde qui doit être l’objet d’une attention perpétuelle. Le médecin auteure de l’article, évoque bien les difficultés dudit mari au travail, mais le fait semble anecdotique. Quelques années plus tard, les femmes comprendront enfin qu’elles étaient ces difficultés. Si elles en mesurent désormais toute la portée, ce constat est toujours mêlé d’égocentrisme dans le discours féministe. Rien n’a véritablement changé. En fait, le problème n’est pas le mari qui ne parle pas, mais peut-être la femme qui ne sait pas l’écouter et satisfaire avec humilité ses besoins. Or, pour pouvoir écouter ce reproche, il faudrait déjà pouvoir se sortir de son nombril. Le serpent se mord la queue.
L’égocentrisme va parfois jusqu’à la justification de la tromperie. Dans “L’amour platonique existe-t-il ?” en 1956 de Marion Hilliard, gynécologue lesbienne engagée dans la cause féministe dénonçant les “mass médias” mais publiant pas moins de 8 articles dans “Chatelaine”(sic), le penchant des femmes pour l’adultère y est excusé.

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Par naïveté, certaines femmes se rapprocheraient d’un homme, puis se trouveraient prises au piège de leurs bons sentiments. La thérapeute retrouverait ces femmes quelques années plus tard après qu’elles eussent tout brisé autour d’elles. Avant d’en arriver à de telles extrémités, elle leur demande donc d’essayer de prévenir plutôt que de guérir, de se méfier de leurs sentiments d’attirance sexuelle, de la proximité “d’amour platonique”. Mais à aucun moment, elle n’imagine que la contrainte eusse été efficace. Non, ces femmes sont jugées irresponsables des situations dramatiques qu’elles font naître, de bout en bout, jusque dans la divagation de celle qui est censée être une professionnelle. Alors que la moralité est déjà absente de ce discours qui aurait dû instituer la loi, il est facile d’imaginer ce qui va arriver plus tard quand les conditions techniques permettront à ces femmes de commettre leur forfaiture sans en subir la moindre conséquence : elles feront alors ce qu’il faut pour qu’il ne leur en soit fait aucun reproche. Elles pourront se libérer du “carcan hétéro-patriarcal” et choisiront leurs partenaires sexuels au gré des vents comme l’imagine déjà cet article en 1953 “Une femme devrait avoir trois maris” (publié initialement le 10 septembre 1923 dans le Daily sun), où l’homme-banquier, l’homme-bricoleur, et l’homme-amant dans l’ordre, se partageraint les faveurs d’une seule de ces dames pour un bonheur complet d’avant et d’après-guerre, où l’homme serait réduit à un objet échangeable selon l’intérêt qu’une femme lui trouverait à un moment donné.

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4 Le célibataire/ l’homme ridiculisé.

 

Si l’autorité de l’époux est mise à mal, le célibataire homme n’est pas en reste. Ridiculisé parce qu’incapable de survivre sans une femme en 1961 et 1964 dans “Mes démêlés avec la machine à laver” de Malcolm Bradbury (article publié initialement dans le libéral “Harpers’s magazine” en 1960, auteur qui a publié dans The reporter, un journal très en lien avec la CIA selon les sources très sélectives du Wikipédia, les amateurs comprendront ce que tout cela implique) et “Célibataire conscient et organisé” de Fred Sparks prix Pulitzer pour son reportage de guerre sur Berlin, l’homme sans femme y est décrit comme le dernier des primates qui, exemples non exhaustifs, lave sur lui-même les habits qu’il va porter le lendemain, cuit le poulet à la baïonnette, égoutte les spaghettis avec un “vieux morceau de moustiquaire”, porte un vieux casque militaire pour éviter de se cogner la tête dans les armoires, matraque le bifteck pour l’attendrir, intervertit les objets de rangements et ne veut surtout pas qu’ils soient remis en ordre.

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Ce serait très marrant, si le second degré était un peu plus évident et si, comme décrit un peu plus haut, le célibat des femmes n’était pas lui, promu. En fait la distorsion entre la valorisation des hommes et des femmes est flagrante. La société de l’époque serait outrée qu’on se moque des défauts réels des femmes, comme elle l’est toujours de nos jours. Par contre, il est bon ton de taper fort sur les hommes et de rabaisser en tout point le moindre signe de leur indépendance. Pourquoi l’indépendance des hommes est-elle perçue comme dangereuse tandis que celle des femmes serait promue ? J’imagine que la société ne peut se passer d’exploiter les hommes au bénéfice seul des femmes et que dans le cas contraire, elle s’effondrerait. Elle met donc tout en oeuvre pour affirmer que les hommes ont besoin d’une femme pour vivre, et à l’inverse, laisse les femmes choisir les hommes prompts à respecter ces obligations sociales. Ainsi les hommes sont sélectionnés sur leur capacité à ne jamais remettre en cause le fonctionnement social et les femmes sur leur libre-arbitre. Se dessine ici comme ailleurs, l’image d’une société pourtant traditionnelle où les femmes se sont arrogées le contrôle institutionnel de manière indirecte. Les hommes accèderaient à l’humanité grâce à une compagne. A l’inverse, les femmes décideraient quel homme est à même d’obtenir une descendance ou non. Le mâle alpha devrait remplir des conditions précises pour les rassurer, dont la principale serait celle-ci : avoir besoin d’une femme et faire ce qu’il faut pour être sous sa dépendance. En fait cela n’a rien de surprenant si l’on songe que chez tous les mamifères, la femelle autorise, ou non, la reproduction (excepté dans les cas de viol). A mon avis, le désir de vivre avec quelqu’un de riche ne passe qu’en second plan chez pas mal de femmes. Beaucoup de femmes préfèrent un homme soumis à ses pulsions et donc plutôt maladroit, qu’un homme riche qui se contrôlerait entièrement, or fantasme. Si aux deux extrêmes, le nigaud et l’homme conscient ont peu de chance de plaire dans la perspective d’une relation durable, il vaut encore mieux être de la première catégorie pour finir sa vie à deux. A mon avis, toute une population d’hommes est sélectionnée pour se reproduire en ne remettant jamais en cause le pouvoir des femmes, parce qu’ils en sont issus, que les femmes les font naître sur beaucoup de plans, et que par conséquent, ils sont incapables de concevoir leur propre domination. Malheureusement pour elles, ce formatage extraordinaire, au niveau des élites, dans l’intimité familiale, dans le discours social, dans l’inconscient collectif, dans bien des aspects de la fausse religion, peut connaître quelques accrocs. Si je n’ai pas toujours pu exercer pleinement ma liberté de penser, je peux dire qu’après de nombreuses années et de nombreuses embûches tant matérielles qu’intellectuelles ou affectives qui ont été mises devant moi pour que je reste un “intégré” pacifié, j’ai réussi à parcourir un chemin idéologique dont une majorité ignore même l’existence. Et si j’en suis là, je dois l’avouer, c’est aussi par chance. Avant d’accéder à une quelconque forme de sens, beaucoup de mes frères de souffrance ont fini à la rue (une très grande majorité d’hommes), ont échoué scolairement et n’ont pas acquis les moyens intellectuels de revenir sur leur propre aliénation (une très grande majorité d’hommes), ont dû se soumettre à une pensée sociale qui les nourrit (une majorité d’hommes), sont devenus aigres, ou tout simplement n’ont pas voulu se poser ces questions par intérêt immédiat.

J’en viens donc à l’article le plus tendancieux que je posterai ici. Celui de Marya Mannes en 1964 “Du pouvoir des hommes sur les femmes”, auteur dans le New York Time et The Reporter déjà mentionné plus haut comme journal politiquement très en lien avec l’idéologie de la CIA (12), écrivain dite “caustique” sur son Wykipédia (3) et il faut bien savoir cela pour échapper à la lecture qu’une féministe pourrait faire au premier degré de cet article. Car loin d’être l’écrit d’une femme soumise comme il semble l’indiquer au premier abord, cet article est un véritable brûlot ridiculisant les hommes.

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Tout d’abord, elle y affirme en semblant se départir de toute ironie, que ces derniers impressionnent les femmes par leur port de cravate, et parce qu’ils sont plus grands physiquement, même s’ils ne sont “pas forcément plus intelligents” (sic), et que les femmes leur sont soumises tel le chien à son maître bien que le chien ait le pouvoir d’être totalement indépendant d’eux. Pour satisfaire leur compagne, les hommes devraient donc être capables d’une attention à leur femme égale à celle qu’ils donnent à leur chien, prodigant caresses, regards scrutateurs, paroles bienveillantes. Ici, l’homme est ramené à une relation animale avec sa femme, femme qui lui donne des conseils pour bien s’occuper d’elle. On imagine mal un animal parler et avoir ce genre d’exigence. Il s’agit donc bien ici de ridiculiser ces hommes qui se croient supérieurs à leur compagne mais qui sont incapables de les aimer tel qu’elles le désirent. La femme narcissique et intelligente est le centre du monde. Celle-là se mariera trois fois et n’aura qu’un enfant “qui lui survivra” selon son Wikipédia. Un avant goût de la femme moderne telle que nous la connaissons actuellement, instable, à la limite du lesbianisme, qui collectionne les relations stériles pour satisfaire ses pulsions animales.

 

Il faut dire que ce narcissisme a été alimenté durant des années par une vie intime où les femmes se sont considérées comme le centre de tout, thème que je vais aborder dans la section suivante.

 

5 Le désir des femmes comme centre de la famille.

La femme exprime facilement ses désirs, en particulier en matière de relation intime. L’homme, ce butor incapable de la comprendre doit être éduqué en la matière. Tout comme l’article de Marya Mannes, celui de Margaret Blair Jonhstone dans “Comment vivre avec une femme ?” en 1954 tente de dégrossir les maris peu attentionnés :

En règle générale, une femme qui se montre foncièrement déraisonnable est en réalité en état de déséquilibre affectif“.

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L’homme doit donc veiller à satisfaire les désirs de sa femme pour qu’elle se comporte bien ! Cet état de soumission objective de l’homme est masqué par une demande “d’autorité, d’indépendance, de décision” de la part de sa femme, demande tout de suite annulée par la suite quand elle affirme “la parfaite sécurité demande qu’aucun des deux ne domine l’autre”, apportant des chiffres et statistiques à l’appui. Ainsi, les hommes sont aimés pour leur “indépendance” mais jamais ils ne doivent “rompre l’unité” dans un ménage car alors “tout ce gâte”. En fait, la demande contradictoire de l’auteur peut se lire autrement : si en dehors de son couple, la femme aimerait bien que l’homme soit indépendant, domine, et prenne des décisions, par contre, à l’intérieur du couple, l’égalité serait préférable. En fait d’égalité, il s’agit ici que l’homme, pour former foyer, ne se distingue pas de sa femme. L’égalité, irréalisable, devient un mode de fusion qui permet à la femme de contrôler d’autant mieux son mari. Si au milieu d’une demande d’attention légitime, cette femme parle aux hommes en des termes vrais, il y a aussi chez elle l’expression d’un dépassement des limites, d’un manque d’humilité, et surtout d’une impossibilité effective qui prend appui sur des idéaux de perfection irréalistes. Il y a également une revendication de groupe bien étrange quand on pense qu’on parle de couples particuliers avec leur vie particulière. S’il s’agissait seulement de décrire, pourquoi pas, ou de parler de son opinion personnelle, on pourrait la comprendre. Mais ici, à l’image d’une féministe, elle se fait la représentante de toutes les femmes et demande à tous les hommes de se comporter comme ceci ou comme cela. La revendication fait politique qui fait rapport de force et guerre. Parallèlement on imagine difficilement un homme de cette époque écrire un article et être publié en demandant à ces dames d’être plus attentionnées dans l’entretien de leur foyer ou des enfants et de se soucier un peu plus de leur bien être de mari parce qu’elles sont nulles, tout au moins dans les principaux journaux. Il faudra en tirer la conclusion que la guerre ne s’est menée que dans un sens, les femmes agissant de manière active pour leurs intérêts, et les hommes les défendant de manière passive au mieux ou même les soutenant par esprit de soumission. A noter que dans ce même article, la notion d’indépendance pour une femme est définie comme une forme d’état d’esprit dans le couple qui ne passe pas forcément par le fait de travailler à l’extérieur. Cette notion semble fluctuer selon les besoins des femmes.

 

Dès 1961, cette guerre des revendications affectives semble gagnée par les femmes. Dans “Ce que les femmes s’attendent à trouver chez l’homme qu’elles épousent.”, le Docteur David Mace fait ce constat lucide

A notre époque, les femmes ont affirmé leur indépendance et renoncé au concept traditionnel de faiblesse inhérent à leur sexe. Cette nostalgie d’une galanterie d’un autre âge ne trahirait-elle pas chez elles le désir égoïste de gagner sur les deux tableaux ?“.

Mais il est déjà trop tard pour empêcher la machine de s’imposer. Et lui-même, alors qu’il est sceptique sur cette duplicité qu’il ne comprend pas, relaie encore les revendications de ces dames qui attendraient que leur mari soit sociable, juste, compréhensif, loyal, franc, tendre, courtois.

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En 6 ans l’éventail des demandes s’est autant élargi qu’il a été satisfait. Car plus question de demander à l’homme de changer son comportement seulement, mais aussi son être profond d’homme traditionnel. L’homme fort qui impressionnait peut-être encore la femme de 1954 doit faire place à l’homme tendre, comme première revendication de ces dames. L’appel à la féminisation est lancé. Les hommes étaient contrôlés par l’honneur. Ils le seront bientôt par leurs faiblesses. Et il n’est toujours pas question pour les femmes d’introspection. Le docteur Mace a beau rappeler que l’humanité entière devrait posséder de telles qualités pour bien faire, son bon sens naïf ne porte pas. En effet, se plaçant sur le plan de la vérité pure, il élude inconsciemment la question d’un rapport de force qu’il n’est pas capable d’assumer face à une femme. Il préfère alors se réfugier dans une forme de constat : les femmes ne se placent que par rapport à elles dans cette étude. Et il ne comprend pas en quoi ce narcissisme forcément aveugle peut constituer une arme de guerre redoutable.
Un autre signe de cette société auto-centrée sur les problèmes féminins vient dans “Un malaise inévitable : la tension prémenstruelle” en 1960 du docteur Robert Greenblatt. L’alliance des médecins et des femmes si bien décrite dans “La police des familles” par Jacques Donzelot, en est ici une illustration pratique parfaite en ce qui concerne la manière de gérer les aléas biologiques intimes de ces dames. A noter que les féministes ont plutôt reproché à la société de cacher les mots au sujet des règles. Ici, ce n’est pas le cas. Les questions de nature féminine y sont abordées sans faux-semblants, d’un point de vue médical. Là où le bât blesse c’est dans la solution qui est prônée. Au lieu d’appeler les femmes à contrôler leurs humeurs, et bien que l’article reconnaisse que cela soit possible, l’auteur compte plus sur la recherche médicale pour

accroître le rendement de la main d’oeuvre féminine” dans les usines.

Vous ne rêvez pas. C’est le terme employé.

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Une petite pilule et les femmes seront encore plus rentables et la société sera heureuse et riche. Perspective féministe indépassable : la libération de la femme dans les usines est vécue comme un réel progrès qui doit être accompagné médicalement.

Comme dans “Je voudrais que mon mari se remarie en 1954”, l’article “Pourriez-vous aimer d’un tel amour ?” en 1966 de Bob Considine, ancien correspondant de guerre prolifique et dévoué à à la grande cause américaine, reprend l’idée de polygamie.

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Une femme abandonnée par son mari pour une autre, apprend qu’il a eu un enfant entre-temps mais qu’il va mourir. Elle reprend sous son toît la femme et l’enfant désoeuvrés. Elle éduquera l’enfant qu’elle n’a jamais pu avoir avec lui. Romantisme, amour complètement désintéressé, ou bien solidarité féminine indéfectible, opportunisme et surtout homme vu comme moyen, d’avoir une famille, des revenus ou autre. Peut-être un peu de tout cela à la fois. Ici, la femme ne perçoit le monde qu’à travers la force des circonstances et non pas en terme de morale. L’héroïsme dont l’auteur l’habille entièrement masque tout un tas d’horreurs sentimentales qui devraient pourtant apparaître dans un récit nuancé. Le petit peuple aime tellement être ébloui en particulier par la femme mère parfaite. Celle-là réussira malgré tout à vivre son bonheur, comme si le bonheur pouvait se jouer de la morale.

 

Les femmes se partagent donc les hommes, mais elles les choisissent aussi et comme elles l’entendent. En 1960 dans “La jeune fille qui voulait tout avoir”, William Bradon ancien photographe de guerre, nous fait découvrir au travers du regard du professeur, que la brillante étudiante ne va pas forcément finir avec le beau gosse de l’université, mais peut se tourner vers le papa célibataire un peu gauche et jouer de tous ses artifices féminins pour obtenir ce qu’elle veut.

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L’article a au moins le mérite d’une forme de sincérité : les femmes choisissent pour beaucoup l’homme avec qui elles veulent finir leur vie. La libération sexuelle est proche et va enterriner le pouvoir des femmes en matière sexuelle pour le transposer à un point de vue social. Le papa célibataire cache surtout la fille mère et sa normalisation.

 

6 Libération sexuelle

6.a La fille mère normalisée

 

En 1965, l’article “Jeunes mères sans mari” d’après un article de Jonathan Rinehart paru initialement dans le Saturday Evening Post, décrit des filles-mères de tous milieux, de tout niveau intellectuel, victimes d’une société et d’hommes qui n’assument pas leurs ébats.

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Qu’un homme puisse être désigné d’office comme père d’un enfant si la femme réussit à établir la preuve d’une communauté de vie ou d’une simple relation sexuelle avec lui, semble échapper à nos journalistes. L’homme est forcément l’irresponsable qui a engrossé la pauvre fille-mère. Jamais la femme n’a voulu cette situation, elle en est toujours victime. Qu’importe que de nombreux hommes célibataires aient été forcés “d’épouser la bonne” dans ce cas comme dit la maxime populaire, ou que des filles aient couché avec des hommes mariés pour s’approprier un époux qui n’était pas le leur, ce sont les hommes les coupables. Pire l’article évoque que le nombre de filles-mères serait le double tous les ans, sans les infanticides par avortement. L’infanticide par avortement comme bienfait contre le phénomène des filles-mères. Il fallait oser. Par la suite, Jacqueline Aknine qui a transposé l’article de M Rinehart pour la France avance des chiffres fantaisistes de 200 000 enfants nés de filles-mères soit proche du quart de tous les enfants nés en France en 1965 (4). L’extrapolation et la dramatisation manipulatoire sont déjà là avant même le débat sur l’avortement. Bien entendu, tout le monde accueille ce petit monde et “ne juge pas“. Tous ces bien-pensants auraient pourtant bien fait de s’interroger, au moins sur la notion de responsabilité des femmes et comment les rendre vraiment indépendantes. Non, on se sert de la caution de l’Eglise et de ses vierges consacrées :

notre rôle n’est pas de juger nos petites mamans, mais de les secourir matériellement et moralement. Le plus grand obstacle à surmonter est certainement celui des préjugés…

50 ans de laxisme plus tard, les familles ont explosé et les enfants sont toujours plus victimes des désirs avides des adultes. Les bonnes intentions ont fait long feu. Si l’action des bonnes soeurs était nécessaire humainement à l’époque, faire de leur discours un modèle de gestion politique global relevait de la manipulation et permettrait la propagation de la pauvreté et des comportements irresponsables.

Le coup de la bonne soeur, c’était formidable. Quel bonheur cela a dû être de faire parler l’Eglise contre le monde. En 1966, le Reader’s Digest renouvelle la manipulation et double même la mise en utilisant une star du cinéma, Loretta Young pour convaincre les petites gens dans “L’inoubliable soeur Winifred”. Il faut dire que Loretta Young connaissait parfaitement le sujet puisqu’en 1935, elle avait couché avec un homme marié célèbre lors d’un tournage, Clark Gable, tant et si bien qu’elle était tombée enceinte de lui. L’article de Wikipédia précise que la petite issue de ces ébats aura souffert de la situation durant toute son enfance parce qu’elle ressemblait à son père biologique et qu’on se moquera d’elle à ce sujet… tandis qu’elle était éduquée par le deuxième mari de sa mère. Evidemment, on apprendra tout cela bien plus tard et jamais rien ne sera reproché à celle qui aura changé de mari comme de chemises, trompé d’autres femmes, mais en soutenant les filles-mères qui, comme elles, n’avaient pu retenir leurs pulsions sexuelles mettant ainsi leurs enfants dans des situations inextricables.

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En attendant que la société renonce définitivement à toute morale sous la pression de ces irresponsables, on propagera donc l’image de saintes femmes comme Winifred qui sauvent les pauvres filles-mères dans le besoin, même celles qui ne seraient pas des stars, parce que tout le monde a besoin d’amour ! Aucune question politique n’est ici abordée directement. La manipulation en est d’autant meilleure que le problème de société s’efface entièrement derrière des cas personnels dont on ignore volontairement l’absolu laideur. Ce procédé s’est aujourd’hui généralisé dans des feuilletons comme “Plus belle la vie” où les situations individuelles expliquent seules, la conduite du monde. Un déséquilibre flagrant, une catastrophe civilisationnelle sous des airs faussement objectifs. Je ne conteste pas le travail formidable qui a dû être mené par ces religieuses, mais en cette époque de libéralisation des moeurs, le Reader’s Digest n’avait-il pas un autre message à faire passer s’il avait vraiment voulu aider les gens ? Et puis pourquoi la noirceur du monde ne se retrouvait jamais réellement dans les descriptions de ces “victimes” dont on faisait un portrait superficiel sinon parce qu’elles seraient apparues pour ce qu’elles étaient aussi : des bourreaux d’enfants. Ce monde unicolore et sans morale, abandonnait déjà la génération arrivante. Il a progressé dans sa marche de plus belle depuis, notamment en résumant l’éducation à la sexualité. Et ce mouvement avait commencé bien avant 1968.

6.b Pratiques sexuelles

 

Si le titre de cet article de 1961 “Prudence dans l’éducation sexuelle” d’Ardis Rumsey Whitman aurait dû inviter le lecteur à une certaine mesure, dans le fond de l’article, il n’en est rien. Admettre qu’une éducation puisse être “sexuelle”, c’était déjà déplacer la question vers une fausse problématique.

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Depuis la pornographie s’est bien chargée de faire ce genre “d’éducation” comme l’article l’entendait à l’époque. La difficulté de faire grandir des enfants n’en est pas moins présente. Au contraire. En vérité, l’éducation sexuelle n’existe pas, n’a jamais existée et n’existera jamais, sauf chez les pédophiles. On n’éduque pas un enfant à ce qu’il connaîtra bien assez tôt et naturellement. On l’éduque en lui apprenant à faire passer ses désirs sexuels derrière de plus importants : la volonté de repecter l’autre dans sa différence, l’engagement, la loyauté. Voilà une éducation qui reste à faire au 21ème siècle.

En 1969 dans “Au pays de la contraception”, J Robert Moskin fait passer le Reader’s Digest de l’autre côté de la barrière, entièrement. La “révolution de mai 1968” induit de nouvelles perspectives pour les éditeurs quant à l’éducation sexuelle des populations.

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J Robert Moskin qui a écrit l’article est une sommité intellectuelle de son pays (USA). Marines durant la seconde guerre mondiale, correspondant de presse durant de nombreuses guerres, photographe écrivain dans le magazine Look, Saturday review, Collier’s, directeur de publication de l’institut Aspen et Commonwealth, formé à Harvard, il fait partie de ces anciens militaires amoureux de son pays et dont on dirait qu’ils ont été aussi promus pour cela. Pour bien comprendre le contexte, l’institut Aspen est un fond qui tente de faire débattre l’élite intellectuelle d’une nation afin de faire émerger des politiques novatrices. Il a émergé aux USA et s’implante désormais à l’international. Il forme réseau entre ses différentes représentations nationales et est d’ailleurs présent en France. L’institut Commonwealth cherche des moyens pour améliorer la protection sanitaire des populations. Pour ces deux organisations, la question de la place des femmes est centrale pour faire “évoluer” les sociétés, surtout traditionnelles. Le non parti pris affiché de ces instituts cache en fait un type de croyance ancré dans l’immanence : l’humanité aurait les moyens de se définir seule. Ses orientations politiques plus optimales seraient déterminées par une élite objective, qui au nom du don d’intelligence qui lui aurait été fait par la nature, serait plus à même de la guider, en suivant “ce qui marcherait” ou pas, en somme, sans tenir compte d’une quelconque forme de Révélation. L’efficacité comme culte. De même, il me faudra faire remarquer que J Robert Moskin n’est pas engagé politiquement de manière directe. Comme de nombreux autres journalistes qui sont intervenus dans le Reader’s Digest durant ces périodes, il appartiendrait plutôt à une élite culturelle chargée de diffuser la bonne parole dans les arts ou la science. Dans cette forme d’engagement, l’appartenance politique serait conçue comme une sorte de frein à la propagation des idées progressistes (libérales laxistes sociétales de gauche, libérales laxistes économiques de droite).

Pour revenir à cet article important maintenant que je l’ai contextualisé, J Robert Moskin va présenter au lecteur, comme dans l’article de James Albert Michener à propos de la femme japonaise, la description idyllique d’un pays étranger qui va nous montrer la voie du progrès et dont nous allons entendre parler souvent désormais : la Suède. Malgré tout, cet exemple que J Robert Moskin juge positif et qu’il nous donne en pâture soulève bien des questions. Là-bas, la limitation des naissances y serait vue comme une évidence. Pour l’auteur aussi. Et elle se conjuguerait avec une nouvelle forme de morale bien étrange qui voudrait que “sauf quand on désire avoir un enfant, l’on fasse usage de contraceptifs.” Ainsi l’acte procréatif serait défini en négatif de l’acte sexuel, un véritable comble. En dehors d’une sexualité procréative, la pilule contraceptive serait là. Car

pour limiter les fruits indésirables de la sexualité, la société a le choix entre les tabous et la diffusion de méthodes anti-conceptionnelles. De toutes évidences, les tabous n’ont plus aucune efficacité dans une société qui bénéficie de la prospérité économique avec ses avantages sociaux, et de l’usage scientifique de la contraception.

En dehors de l’horrible expression “les fruits indésirables de la sexualité” qui rabaisse, et la sexualité, et celui qui pense ainsi, il faudra noter que pour ce journaliste, le tabou n’existerait plus dans une société riche. On pourra en conclure que le sacré et les limites à la perversion qui sont liés à la présence du tabou, ne concerneraient que les sociétés pauvres. Belle définition pour une fin de race riche. Et si tout cela pouvait encore se discuter, mais on n’y peut rien ma bonne dame :

La société contraceptive est devenue un fait et il est aussi impossible de la repousser que de refuser la société industrielle ou l’automobile.

Quand on pense que notre société n’a plus d’industriel que le nom et que l’automobile est en passe d’en disparaître, l’ironie est mordante. Ce genre d’argument est en fait utilisée pour justifier l’éducation sexuelle des enfants. Sur ce sujet, le ton est devenu nettement plus favorable que dans le précédent article sur le sujet. De toutes les manières, l’éducation sexuelle a l’école n’aurait que peu d’incidence sur l’esprit des enfants :

Le foyer est un facteur primordial. Le fait que les enfants vivent auprès de parents auant une vie conjugale sans nuages est bien plus important que l’enseignement du professeur.“,

nous affirme le Docteur suédois Preben afin de rassurer son auditoire. Une des grosses ficelles utilisée dans les articles manipulatoires, et en particulier dans ceux sélectionnés par le Reader’s Digest, est de rassurer outre-mesure le lecteur après lui avoir asséner des idées qu’il n’était pas prêt à accepter, ni même parfois à entendre. Ici, l’article envisage un monde où le retrait de la morale n’aurait aucune conséquence. Les évidences du lecteur sont brutalement remises en cause. Il perd pieds et s’en remet alors à l’avis du journaliste qui relativise les conséquences d’une telle position avec force arguments. Cette opinion jamais contestée dans les médias dominants deviendra progressivement sa nouvelle évidence intérieure. S’il n’ose encore la défendre en public, elle s’inscrira profondément en lui, jusqu’à ce qu’au hasard d’une discution, il fasse un coming out discret et qu’il s’aperçoive, éberlué, qu’en fait, beaucoup de monde pense déjà la même chose que lui sur le sujet. Persuadé désormais de la bonne cause qui est la sienne, il deviendra assez sûr de lui pour vouloir en débattre volontairement en public. Et en dehors de ces évidences progressistes qu’il intègrera sans recul parce qu’il aura cru évoluer, se dégagera pour lui l’idée qu’il n’y a point de salut. En effet, ses propres idéaux ayant été bouleversés, il en arrivera forcément à la conclusion que les croyances qu’on lui avait transmises, n’étaient qu’un vaste mensonge. Durant de longues années, on l’aura trompé et désormais, il ne se laissera plus faire face à ces idées “réactionnaires”, voire face aux réactionnaires en général qu’il jugera responsables de lui avoir transmis ce mensonge. Se croyant éveillé, il se transformera dès lors en nouveau censeur de la fabrique à consentement, et en sa victime également. Car défendre les idées progressistes dans ce cadre, ce sera accéder pour lui à une forme de révélation qui ne dira pas son nom. Mais ce sera aussi en avoir si peu conscience qu’il lui sera difficile de revenir dessus.

Autre exemple d’une telle manipulation dans ce même article : le “journaliste” avance l’idée que la sexualité avant le mariage serait parfaitement normale ou que les femmes mariées et non mariées devraient avoir les mêmes droits. Puis, pour rassurer son auditoire face à la multiplication probable des tromperies et des séparations, il affirme haut et fort qu’”une majorité (ndt : de Suédois) est contre le libertinage“. Est-ce que cela prouve que cette majorité va le rester, que les désunions ne vont pas finir par se multiplier, que la moralité ne va pas être remplacée par moins conséquente, ou tout simplement disparaître ? Non, mais pour l’instant, tout va bien. Or désormais, nous savons que ce libertinage qui ne devait pas connaître de recrudescence, s’est développé dans notre société après la révolution sexuelle. Non seulement le nombre de rapports sexuels par personne est en train de diminuer, mais les gens se trompent plus souvent qu’avant (5). Même au niveau sexuel, le désastre est donc complet. Cela était prévisible pour tous les gens dotés de bon sens, sauf pour ce genre d’élite de l’immanence bien entendu. Aujourd’hui, la jeunesse de Suède est en faillite d’un point de vue psychologique à cause de ces idées (6). Alors j’ai envie de demander : quand les menteurs seront-ils punis ?

Il faut dire qu’en voulant mettre toutes les morales sur le même plan pour les étudiants, ces gens là tuaient l’essence même de la morale qui est la croyance que certains comportements sont meilleurs que d’autres :

Il s’agit d’exposer les diverses morales qui ont cours dans la société et de laisser le choix aux étudiants.

La relativisation d’une morale héritée imposait l’idée d’une immanence comme religion et donc que nous pourrions suivre le plan de quelque dieu obscur, mais sans Révélation. En suivant cette logique, si la morale n’existait plus, l’infanticide par avortement, “ce grand destructeur de la paix” comme le définira Mère Thérésa, devenait possible. En tous cas, cela semble une évidence pour “le personnel médical” suédois de l’époque. Les statistiques partielles (pourquoi ne parler que du “personnel médical” ?), imprécises (qu’est-ce que veut dire “personnel médical” ?), incomplètes (où sont les chiffres, les références à l’étude, les résultats contradictoires ?) qui auront été insérées dans le texte auront su créer un effet d’assentiment général auprès d’un lecteur majoritairement non averti.

 

7 La sacralité du mariage mise en doute.

 

L’indépendance menteuse des femmes, l’autorité paternelle attaquée, l’homme dénigré, le célibat des femmes encouragé, les infanticides par avortement et la sexualité hors mariage et médicalisée tous promus, cela n’aurait servi à rien, si les autorités morales avaient réussi à défendre la sacralité de l’union entre un homme et une femme. Il fallait donc que celle-ci soit relativisée. Tout l’art consistait à attaquer l’union d’un homme et d’une femme, mais sans le laisser paraître. En effet, ce désir de plénitude à deux pour la vie, profondément ancré dans le coeur de l’homme, belle idée entre toutes celles qui ont été inspirées à l’humanité, pouvait difficilement être remise en question de manière directe.

En 1958 dans “Il n’y a pas que l’amour”, Emily Hartshorne Mudd, fille de suffragettes, militante du planning familial (les Français catholiques ne sauront jamais quel est le pedigree des personnes qui auront écrit les articles qu’on leur aura fait lire), suggère que les questions identitaires pourraient être un obstacle infranchissable à la vie commune entre mari et femme, qu’il faudrait bien réfléchir aux conséquences d’un mariage mixte ( en terme de religion, de culture et de richesse).

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Si cette femme avait bien raison d’un point de vue pragmatique, par contre en ne plaçant pas Dieu en premier dans la relation entre un homme et une femme, elle n’offrait aucune perspective de vie à ceux et celles qui auraient voulu vivre leurs différences intrinsèques. Or l’altérité sexuelle même oblige à une confrontation identitaire radicale qu’il faut savoir dépasser, dans n’importe quel couple. Ici, la théologie protestante s’immisce dans le discours de la journaliste pour séparer les communautés, les hommes et les femmes, et leur fait prendre en compte des réalités qui devraient pourtant passer derrière la sacralité du mariage. A force d’insister sur des différences toujours présentes entre personnes, l’être identique à soi devient préférable à tout autre car dans cette optique, toutes les différences s’accumulent pour empêcher la vie commune, au lieu d’être transcendées par une volonté de se tourner vers l’Unique. C’est la situation aux USA là où la philosophie protestante a été jusqu’au bout de sa démarche, et désormais c’est aussi la situation en France maintenant que nous sommes devenus majoritairement non pratiquants et qu’il a fallu que nous nous convertissions à cette théologie forte venue d’ailleurs. Nous ne pouvons pas comprendre l’augmentation des séparations et leur fragilité sans comprendre cela. Or dans la France de l’époque, la pratique catholique était encore bien ancrée dans la société. Le prêtre pouvait marier des personnes issues de classes sociales différentes et toute l’Eglise travaillait à souder ces unions. De même la société s’évertuait à unir des hommes et des femmes et travaillait à nous faire accepter nos différences, plagiant ainsi l’Eglise dans ce qu’elle avait de meilleur. En relativisant le mariage, en plaçant Dieu derrière les hommes, ce genre d’article a donc constitué ce que l’on pourrait nommer une attaque frontale contre une conception des rapports humains qui avait tout de plus élevé en termes moraux.

 

Comme je l’ai déjà écrit, les attaques trop directes, ne sont pas forcément les meilleures. Les romans, les histoires à l’eau de rose sont des médias bien plus efficaces pour manipuler un lecteur car ils travaillent son imaginaire. En 1959 dans “Deux cierges et demi”, le Reader’s Digest édite donc le romancier F T Flahiff qui s’attaque à la religion catholique et à la sacralité du mariage en utilisant tout son art de la fiction. Dans son texte, un pauvre hère, Mike, tue sa maîtresse fraîchement débarquée de Pologne. Il est condamné à mort. Entre-temps on apprend de la bouche de cet assassin dans un langage de petit nègre sensé attendrir le lecteur, qu’il l’a tuée parce qu’elle était mariée en Pologne et qu’elle ne pouvait ni divorcer, ni vivre sans lui. Ils étaient amoureux mais leur liaison était impossible à cause du l’engagement indéfectible qu’elle avait pris dans son pays d’origine (catholique).

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L’auteur américain a beau jeu de faire parler les juges qui condamnent Mike à mort, parce que c’est la loi, tout en leur faisant dire que le vrai jugement se fera entre Mike et Dieu directement, théologie protestante oblige, et que dans ce cas, la sentence n’est pas certaine. Il l’aura tuée par amour, la société l’aura tué par respect des lois humaines, mais Dieu saura les pardonner tous, à coup sûr ! Ou comment l’idée de responsabilité individuelle en direct avec Dieu peut amener à une irresponsabilité complète tant au point de vue personnel que social, mais aussi amener au manque de compassion sur terre, ou encore à légitimer les pires horreurs, dont une peine de mort pour laquelle le personnage d’un juge n’était pas moralement convaincu qu’elle soit justifiée. Que l’histoire ait été réelle, ou pas, elle en dit plus long sur la psyché de l’auteur qu’il n’aurait voulu en laisser transparaître.
En 1962 dans “Le délicat équilibre d’un mariage heureux”, Ernest Havemann, journaliste au Washington Post, psychologue, n’hésitant pas à publier dans les colonnes de Playboy pour faire avancer la cause (laquelle ?), défend le mariage conscient. Là encore, les époux doivent assumer leur quotidien à force de moyens humains, de volontarisme et autres niaiseries psychologiques. Le travail de la femme y est vu de manière exclusivement positive. Le divorce est toujours une solution face aux problèmes. Des époux de milieux sociaux différents n’ont presqu’aucune chance de s’entendre.

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Tout cela semble très réaliste, très matérialiste, mais manque absolument de l’essentiel. Si tous les conseils qu’il donne, tombent sous le coup du bon sens, et mettent l’accent sur les efforts nécessaires que deux mariés doivent accomplir l’un envers l’autre, les moyens proprement humains qu’il propose ne sauraient suffire pour dépasser les obstacles inhérents à la vie de couple. Elles limitent les perspectives du lecteur à un semblant d’amour. Conséquence de ce genre de pensées : soit le mariage intra-communautaire, soit un probable divorce. Le lecteur est piégé. Il ne peut comprendre qu’une autre conception des rapports humains existe, plus élevée qui ne débouche pas sur une forme de violence mimétique et qui n’a pas trait au profane de la psychologie.

******************************

Conclusion : l’idée même que le Reader’s Digest puisse être défini par Wikipédia comme conservateur montre l’ampleur de la manipulation idéologique à laquelle les lecteurs de ce magazine ont été soumis. Car si lecteurs de ce magazine étaient bien conservateurs, je suis certain que son contenu ne l’était pas. Après avoir étudié seulement une trentaine d’exemplaires d’après-guerre du Reader’s Digest, tant au point de vue publicitaire qu’idéologique pur, le constat est lourd et insistant. Le lecteur français de cette revue aura été confronté, sans le savoir à l’époque, à une idéologie progressiste et fortement corrosive pour sa société, à une fabrique à consentement telle qu’elle est définie par Noam Chomsky avec pour caractéristiques présentes une idéologie libérale-libertaire qui se sera attachée à saper les fondements de sa société traditionnelle notamment concernant :

  • l’interdépendance sociale et familiale,
  • la sacralité du mariage,
  • l’indépendance d’esprit masculine,
  • le respect sexuel,
  • l’humilité de l’épouse,
  • la responsabilité honorée du mari et du père,
  • la reconnaissance du travail de mère,
  • le respect des enfants,
  • la place première de Dieu comme règle de vie fructifère.

 

Ces valeurs auront été d’autant plus attaquées en France que les auteurs  s’adressant à des catholiques auront importé majoritairement leur grille de lecture protestante du monde, matérialiste,  emprunte de rapports humains profanes ou immanents.

La présentation séduisante du magazine, les propos bien amenés déstabilisants et rassurants alternativement, la technique d’écriture largement maîtrisée de la part des intervenants professionnels haut de gamme du monde intellectuel américain, l’absence de contradiction idéologique à l’intérieur de ce journal de référence, auront contribué à renforcer l’assentiment à ces idées progressistes chez le lecteur lambda. Les articles se surajoutant les uns aux autres au fur et à mesure des années auront su créer en lui un sentiment de cohérence et d’unité. Il faut dire que je n’ai pas trouvé un seul article parmi plus de 600 que j’ai pu consulter qui contredise ce fonctionnement idéologique bien rôdé : fausse soumission du féminin, féminisme indirect, féminisme fiction, perspectives novatrices pour la société implicitement féministes, féminisme d’avenir et favorisant le capitalisme libertaire.

A force d’abrutissement, le consommateur régulier du Reader’s Digest après-guerre aura pu s’imaginer aller vers le meilleur des mondes féministe, et en un sens, vers la fin de l’histoire à une époque cruciale du développement humain. S’il ne lisait pas cette revue, il aura forcément été en contact indirect avec elle grâce à  des personnes qui y auront été abonnées et qui auront eu tendance à lui faire croire que ce genre d’idées était à la pointe d’un développement acceptable pour nos sociétés. Sans qu’il le sache, elles se seront donc imposées à lui, tout comme la télévision sait influencer aujourd’hui l’esprit de nombreux téléspectateurs mais aussi l’esprit de ceux qui refusent de l’allumer.

“L’art d’être écolier” en 1969 résume bien ce mouvement. Cette publication reprend un pamphlet de 1850 sur la peur des adultes de l’époque de voir les écoliers prendre le pouvoir. Après 1968, le Reader’s Digest tente de rassurer son lectorat conservateur. Dormez tranquille petits Français, le monde a toujours été le monde et sera toujours le monde, nos peurs ne sont qu’illusions et les changements sociaux un progrès. En prenant un peu de distance, nous serions plus sages. Nous nous apercevrions qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil et que tout restera à l’identique :

art

Tout a changé depuis et pour le pire : baisse du niveau scolaire, illettrisme, abandon ou abus des/sur les enfants.

Dans le même état d’esprit beaucoup de gens se servent du texte de Platon sur la jeunesse pour dire que le monde reste le même quoi qu’on fasse (7) et qu’il faut s’y faire. Ce genre de texte serait d’ailleurs affiché dans de nombreuses salles de professeurs.

Toutes ces personnes savent-elles que lorsque Socrates prononce ces mots, la Grèce est en pleine période de décadence, et deviendra petit à petit un amas de ruines ? Non, ils rigolent de leur propre société décadente sans le savoir à travers des vérités qu’ils jugent éternelles, et qui le sont d’un certain point de vue, même s’ils ne le comprennent pas.

Il serait donc urgent de sortir des caricatures bêtes qui nous ont été proposées depuis des années et revenir à la profondeur de la théologie catholique. Ce serait un minimum à prendre en compte avant d’avoir la prétention de la dépasser. Or aujourd’hui, le niveau en est arrivé tellement bas qu’on résume l’éducation à un laisser-faire qui pourrait s’insinuer partout. Laisser l’individu à des choix personnels et en faire une morale sociale livre les petits, pieds et poings liés, devant les forts de ce monde. Ainsi les femmes peuvent tuer leurs enfants dans leur propre ventre, les marchands peuvent vendre et acheter des utérus humains de pauvres en toute bonne conscience (8), la société peut suicider les personnes en fin de vie, personne n’est plus capable de réfléchir à un niveau global, ni même sur les conséquences de ses propres actes et pensées. Les individus se retrouvent dès lors démunis face à des forces qui les dépassent et qu’ils identifient à Dieu.

Ces forces là, bien que puissantes, ne sont pas Dieu, elles sont le diable du laisser-faire, du laisser-aller. La lutte contre le diable est une lutte qui appartient à chaque génération comme le dit si bien Benoit XVI. En cela, rien ne change. La nôtre doit en endosser le fardeau et accepter de porter sa croix. Cette dernière est d’autant plus lourde que la génération antérieure à la nôtre, a refusé de nous soulager d’une charge qui lui appartenait. Nous devons pourtant la reprendre à notre compte malgré les errances de nos aïeux. La lutte perpétuelle pour le bien dans le monde ne peut être abandonnée aux conséquences d’une immanence diabolique qui flatte l’immaturité en nous, la manipulation, la médiocrité, et toutes nos tendances laxistes.

 

 ********************************

 

1 “Féminisme et ultra-liéralisme avant 1968 dans les publicités du Reader’s Digest”, Aimeles du 15/04/2014.

 

2 “Suivi en temps réel de la féminisation depuis mai 1968”, février 2014, Aimeles.net.

 

3 Wikipédia de Marya Mannes au 29/05/2014

 

4 “La population de la France depuis 1940″, Insee 1996.

 

5 “Les Français font moins l’amour qu’avant”, Figaro madame du 26/05/2014.

 

6 “La théorie du genre, un outil au service du totalitarisme”, Englishmanif.blogspot.fr 23/04/2013.

 

7 Platon sur la jeunesse et l’excès de liberté, platodialogues.org mai 2012.

 

8 “La GPA en vérité”, Aimeles décembre 2013.

 

9 “Filles et garçons sur le chemin de l’inégalité”, Aimeles du 13/03/2013.

 

10 “Depuis mai 1968, explosion des suicides, des viols, des divorces et de la prise d’anti-dépresseurs”, Aimeles 26/09/2012.

 

11 “Un homme ne peut survivre en démocratie”, Aimeles du 19/03/2014.

 

12 Article Wikipédia du 04/06/2014, sur le magazine The Reporter.

 

 

 

25 réponses à “La fabrique à consentement : l’exemple du féminisme dans les éditions du Reader Digest avant 1968 (2/2)”


  1. Avatar de Léonidas Durandal

    ""Story Killers" : derrière un journaliste de BFMTV, une société de désinformation israélienne" France inter du 15/02/2023.

    Le pauvre malheureux a eu le malheur de remettre en question les sanctions contre la Russie… sinon nous ne serions pas au courant ! A voir la fabrique incroyable de l'opinion par la création de faux comptes par ordinateur. 


  2. Avatar de Léonidas Durandal

    “Comment France-Info fait passer Anne Hidalgo pour sexiste…”, MPI du 18/10/2018.

    Je me demande où était la mauvaise foi, et quel était l’effet recherché. En ce moment, les attaques ne cessent pas contre Anne Hidalgo. En même temps dire qu’un politique s’occupe des femmes, c’est plutôt lui rendre service en général. Bref, cela mériterait d’en savoir plus.


  3. Avatar de Léonidas Durandal

    (Vidéo) “Propaganda – La fabrique du consentement – ARTE” Arte +7 du 29/05/2018.

    Evidemment, les gens sont des imbéciles pour les gauchistes. Somme toute, à part la “libération de la femme”, le capitalisme a plutôt réussi dans ses objectifs. Indirectement, ils justifient la propagande, mais surtout, la manipulation. Car leurs solutions n’en sont pas. Evidemment que la société civile doit réussir à s’organiser contre ces trusts. Il n’y a pas d’autres solutions. L’interdiction de la propagande reviendrait à nous priver de nous exprimer. Ce que d’ailleurs les gauchistes ont réussi à faire chez nous, et ce qu’ils entreprennent aux USA.


  4. Avatar de Léonidas Durandal

    “Hollywood prépare un film sur la genèse du mouvement #MeToo”, L’Obs du 30/04/2018.

    Est-ce que ce film parlera de la prostitution de la majorité de ces actrices ? Là aussi, où nous apprenons en France que deux femmes ont monté la cabale pour “protéger” leurs soeur, effet ruche oblige.


  5. Avatar de julien le jacobite
    julien le jacobite

    21 pages ! Auriez-vous une version en une page de votre article, qu’on puisse le lire hors-ligne et l’enregistrer ? Je comprends l’idée de présenter en colonnes à la façon d’un livre, mais il faut s’y faire, les règles du livre ne valent que pour le livre… le style contemporain, c’est le rouleau de parchemin…


    1. Avatar de Léonidas Durandal

      Je vais y réfléchir. Ce n’est pas si simple que cela en a l’air. La pagination, c’est un monde obscur qui se veut clair.


  6. Avatar de Léonidas Durandal
    Léonidas Durandal

    “La descente aux enfers de la presse allemande”, Bd Voltaire du 31/01/2016.

    Où un ancien journaliste révèle les liens de la presse allemande et de la CIA. La presse, le 4ème pouvoir ? Pas pour les dhimmis des USA.


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