La nouvelle traduction féminisée du “Notre Père”

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Depuis cette année, la version officielle est :

“Notre Père, qui es aux cieux,

que ton nom soit sanctifié,

que ton règne vienne,

que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.

Pardonne-nous nos offenses,

comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.

Et ne nous laisse pas entrer en tentation

mais délivre-nous du Mal.

Amen”

L’année dernière « ne nous laisse pas entrer en tentation » était « ne nous soumets pas à la tentation ».

Avant 1966, « ne nous soumets pas à la tentation », était « ne nous laissez pas succombez à la tentation »

En 1969, l’abbé Jean Carmignac propose « Garde-nous de consentir à la tentation » (dans sa thèse « Recherche sur le Notre Père »)

 

Sur la forme :

Le vouvoiement disparaît en 1966. Jésus prend le pas sur Dieu, et le tutoiement introduit une proximité qui ne Lui sied point. Nous l’imaginons notre frère, nous l’imaginons proche, nous imaginons le connaître. La sacralité demande pourtant une distance respectueuse. Car sans cette distance, il y a appropriation, fusion, un Dieu donc fait à l’image d’une mère divinisée (vierge Marie). Nous ne nous distinguons plus de la divinité, nous cherchons à nous confondre avec elle, tentés d’en faire notre petit objet personnel qui doit répondre à nos pulsions. Impossible dès lors de prendre de la distance avec le monde. Nous sommes Dieu, nous sommes le monde, et nos actes ne peuvent être remis en question par quiconque puisque nous ne sommes pas à l’image de Dieu, mais l’image de Dieu.

Vous me direz que j’exagère, qu’une si petite modification dans l’expression ne peut avoir eu que peu de conséquences. Or cette modification, encore plus que d’avoir eu des conséquences, était relative à un bouleversement complet de notre état d’esprit, dont nous pouvons dire qu’il a eu, pour le moins, d’énormes conséquences.

En effet, depuis nos communautés sont devenues très fragiles. Elles ont perdu en connaissance, en culture, en fraternité. Elles sont jugées médiocres par nos contemporain, non sans raisons : les chants sont souvent mal chantés quand ils ne sont pas infantilisants. Mais là encore, cette dégénérescence culturelle n’est que la conséquence d’un fait plus profond. Bon nombre de catholiques qui devraient être les premiers à savoir se remettre en question, à se confesser d’un coeur ouvert, se servent aujourd’hui de leur proximité avec Dieu pour éviter d’avoir à le faire. Ceux-là jugent que personne ne devrait être jugé, et qu’à chaque fois qu’une remarque leur est faite, à eux ou à un autre, c’est une atteinte inacceptable aux personnes. Les vrais catholiques ne peuvent les faire taire car tout le discours de l’Église s’est féminisé et justifie de telles positions. Ainsi pour le chant, pour en revenir à cet exemple, toutes les horreurs sont tolérées. Les gens qui chantent bien, qui lisent bien les textes, ne sont pas forcément promus, car le principal, c’est « d’accepter les personnes telles qu’elles sont ». La caste qui se retrouve à diriger les célébrations peut ainsi vivre sur le commun. Qu’elle chante bien ou mal, elle ne voit que par elle, et ne peut voir que par elle. Exit donc le beau, le bien et le bon. Elle se confond avec le prêtre et ceci n’est possible que parce qu’elle se confond avec Dieu. Toute idée qui pourrait la remettre en question est largement rejetée au nom d’une bêtise à laquelle elle tient plus que tout. Voilà pourquoi aussi cette nouvelle traduction ne tient pas la route sur le fond mais que personne n’en est offusqué :

Sur le fond

« Ne nous soumets pas à la tentation » ou « Ne nous laisse pas entrer en tentation », c’est suggérer que la vie d’un catholique pourrait se faire, idéalement, sans connaître le mal. C’est omettre que le mal est une occasion de rédemption, qu’il n’y a pas de bon catholique sans passage par la croix (le vendredi saint), que la souffrance est une condition inhérente à la vie (ce dont même les Bouddhistes ont conscience). Dans ce cadre, la nouvelle traduction « Ne nous laisse pas entrer en tentation » est encore pire que la précédente « Ne nous soumets pas à la tentation ». Car se soumettre peut s’entendre de deux manières : être esclave et être exposé. Avoir été mis en esclavage par le péché, à cause d’un Dieu qui nous refuserait son soutien, ce serait effectivement un grand risque dont chaque catholique devrait se prémunir par la prière. A l’opposé, l’acception selon laquelle l’intention de Dieu serait de nous exposer au péché, serait à la limite de ce blasphème : Dieu veut notre mal. Toujours est-il que nous pouvions prononcer cette phrase en exprimant notre volonté de vouloir être libérés du péché. Par contre, la phrase « Ne nous laisse pas entrer en tentation », ne souffre elle d’aucune ambiguïté : le catholique qui prononce cette phrase ne veut pas vivre. Il veut rester sous les jupes de Marie et en rester à l’état d’enfant, sans avoir à redevenir un enfant après de longues épreuves.

Dans le fond, comme dans la forme, les nouvelles traductions sont donc régressives. Elles sont le signe de communautés qui ne veulent pas avoir à s’affronter au monde, à l’altérité. Elles sont le fait de petites femmes qui veulent ignorer le Père éternel et en rester à un culte de leur maman qu’ils confondent avec l’Église, de communautés qui ont peur, de plus en plus peur, et qui se réfugient dans une position sécuritaire.

Dès lors, pas étonnant que des étrangers nous trouvent bizarrement mièvres et sectaires. Cela n’a rien de contradictoire. Derrière la volonté de ne pas blesser, il y a surtout une immaturité profonde, qui est un refus de grandir, notamment par et dans la foi, ceci afin de rester enfermé dans des certitudes. La communauté devient alors un refuge pour ne pas penser, et pour ne pas agir, de peur de blesser les égos de chacun.

Un signe de cette presque démence : le refuge de certains dans une manière de prier irréfléchie, laissant à Dieu soit disant toute la place pour qu’Il agisse à notre place, sans avoir à trouver les mots justes qui nous feraient avancer. Un autre signe : cette façon de mépriser la parole. Toute parole est effectivement péché. Mais ne pas accepter de parler, c’est refuser de commencer à marcher. Même le silence doit être habité par une présence. Il est vrai que nous pouvons parler sans prendre en compte l’autre que nous avons en face de nous. Mais nous pouvons aussi rester en silence dans un péché confortable…

Voilà pourquoi la foi diminue, la croyance devient fragile. Voilà pourquoi aussi nombre de pratiquants apparaissent irresponsables à ceux qui ne le sont pas. Irresponsables, ils le sont bien, même si les non pratiquants ne sont pas en reste, n’ayant même pas commencé à marcher. Tout au moins nombre d’entre eux ont soif et restent à l’écart de l’Église simplement parce que personne ne leur donne les clefs pour comprendre. Avoir soif, ou vivre dans la régression, des deux choix, il m’apparaît souvent qu’il vaut mieux être dans la première situation.

Le manque de respect en Dieu, se traduit par un manque de respect envers l’institution. Le prêtre est honni s’il prononce la moindre parole qui dérange. Dès lors, l’arrivée de prêtres en provenance d’Afrique, et qui sont eux, bien plus croyants que nous, ne se fait pas sans difficultés. Eux, ont l’habitude d’exercer leur ministère en toute confiance, sans avoir à se méfier des langues perfides. Malheureusement, ils comprennent bien vite que les communautés qu’ils ont en face d’eux sont organisées pour rester de petites sectes attachées à leur clocher, avides de rester dans leur fange, hermétiques à toute parole différente, jalouses de celui qui a été pourvu de plus de talents qu’eux par Dieu. Le peuple catholique ose alors rejeter ceux qui ont été désignés par plus grand que leur personne. Et tous ces crétins tolérants et pro-nègres, se muent alors en xénophobes sanguinaires, tant leur ambivalence est grande. Nous avons les prêtres qui nous ressemblent. Aujourd’hui, ceux-là nous fuient tant nous sommes devenus laids.

D’un autre côté, quand nous voyons des prêtres qui rendent un culte à la déesse mère plutôt que de nous parler des épreuves, du chemin de croix de Jésus, de notre chemin de croix et de notre rédemption. Quand nous voyons une hiérarchie de théologiens qui cautionnent des traductions à ce point féminisées, la conclusion arrive d’elle-même : pour paraphraser Georges Brassens, ils scient la sainte branche sur laquelle ils sont posés et dès lors, ils ne doivent pas s’étonner des difficultés qu’ils rencontrent en pratique. Si le pasteur n’est pas sorti des jupes de Marie, comment les brebis pourraient s’aventurer en dehors de la bergerie. En ce sens, le traditionaliste n’est pas si différent du conciliaire. Moins mièvre, plus cultivé, il compense par une désobéissance plus grande à notre Sainte Institution et n’en est pas moins sectaire que le conciliaire.

 

En revenir à l’Esprit Saint

Une bonne traduction mêlerait, à mon avis, le vouvoiement d’avant 1966, à la formule de l’abbé Carmignac : « Gardez-nous de consentir à la tentation », ou plus simplement « Ne nous laissez pas esclave de la tentation », ou encore “Ne nous laissez pas choisir le péché”. Quant à « Ne nous laissez pas succomber à la tentation » cette formule pose aussi un problème car elle suggère qu’il n’y aurait pas de valeur rédemptrice à l’épreuve de la tentation, tandis que sans elle, nous ne pouvons pas connaître la valeur des grâces et des pardons qui nous sont donnés par Dieu.

Une réponse à “La nouvelle traduction féminisée du “Notre Père””


  1. Avatar de Léonidas Durandal

    Luc 11 : “27 Tandis que Jésus parlait ainsi, une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit : Heureux le sein qui t’a porté ! heureuses les mamelles qui t’ont allaité ! 28 Et il répondit : Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent !”


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