La queue du chien

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Mon grand-père détestait quand un film se terminait comme ça. Je crois que je vais détester la fin de cette époque pour les mêmes raisons. Une époque en queue de chien. Une époque qui aura été incapable de vivre humainement dans l’opulence et qui va s’effondrer sans même avoir su accepter les raisons de son échec. Mais le pire, quand j’y pense, ce serait de se priver de la mémoire de l’écriture. Certes, mon discours n’aura peut-être pas le temps de se répandre, à cause des mêmes raisons qui ont rendu cette civilisation incapable de s’adapter. Pourtant il m’arrive d’espérer que ces mots traverseront les âges, traverseront les crises et sauront aller jusqu’aux oreilles de nos descendants qui auront à coup sûr, les mêmes défis que nous à relever. J’absous cette époque d’avoir commis tant d’erreurs. Les répéter serait criminel.

Décadence.

L’histoire de notre décadence se résume à peu en fait. La vivre aura été compliqué, mais la penser aura été très simple. Elle aura été faite d’un refus de la logique, de manques de sacrifices, et d’orgueil, surtout d’orgueil, le péché des péchés. Si en me lisant, il vous arrive de trouver mes mots durs, sachez seulement que j’ai essayé d’user de moyens à la hauteur de la force que j’affrontais. J’aurai essayé de pousser les êtres humains de mon époque à la limite de ce qui était acceptable psychologiquement, spirituellement et légalement d’entendre pour eux. J’aurais pu dire plus. Je ne l’ai pas voulu car j’aurais perdu en efficacité. Quant à mes limites personnelles, elles n’auront été que celles de mon manque de moralité. Celles-ci auront été importantes, mais il faut les comparer à une époque qui les aura favorisées grandement.

 

Guides.

Je sais que ce sera dur de l’entendre pour eux, mais je ressens comme une trahison de nombreux prêtres de notre civilisation. Je sais leur isolement et ô combien ils sont au centre de la tourmente. Pourtant, il n’y aura jamais qu’eux pour pouvoir guider l’humanité. Et l’échec de cette humanité sera toujours leur échec, car ils ont en charge les brebis de ce monde. Vous me direz, les prêtres que nous avons ressemblent tellement à notre société… oui, mais si ce n’est que cela, alors le monde peut s’en passer et aller vers son inéluctable effondrement. Non, le prêtre doit être l’accident de ce monde, la nature imprévue de Dieu qui le relève. Il ne peut se contenter d’être ce qu’il est.

 

Héritiers sans père.

Ô vous mes descendants spirituels sachez bien ceci : quand un monde ne veut plus enfanter de manière naturelle, il perd toute Intelligence, il n’y a plus d’amour en lui. Et pour le sauver, ses eunuques doivent tout sacrifier à leurs prochains, pour que d’autres, encore plus misérables qu’eux, retrouvent un sens à leur vie. Car dans les époques médiocres, ceux qui devraient faire des enfants et prospérer deviennent eunuques. Ils n’ont jamais eu la vocation de devenir des anges incarnés au service de l’Eglise, et ils ne peuvent qu’accepter leur statut d’eunuque. Ils deviennent les bâtards de ce monde, souvent au sens propre du terme.

 

Richesse et pauvreté.

Nous sommes tombés bêtement dans le piège de la richesse. Nous avons confondu pauvreté et misère. Ainsi, la misère s’est répandue parmi les riches comme une traînée de poudre mais sans que nous nous en rendions compte. Nous ne l’avons pas vu venir parce que nous étions persuadés que nous saurions utiliser notre liberté à bon escient. Orgueil… Que les époques où il suffit d’aider les pauvres pour être moral, sont des époques faciles ! Nous sommes devenus tous riches, et tous misérables. Seuls, ayant perdu le sens du mot amour, nous avons cherché notre bonheur en nous vautrant dans ce qui faisait notre malheur. Nous avons voulu guérir les derniers pauvres de leur manque d’argent, tandis que nous les entraînions vers nos manques d’amour.

 

Moi

 

Si je suis revenu à une forme de lucidité, c’est en renonçant à devenir riche, par des chemins de hasard. La pauvreté m’a fait redevenir humain. Or aujourd’hui, la société et l’Eglise ne pensent qu’à une chose : me faire sortir de ma pauvreté, moi et tous les pauvres du monde. Je voudrais bien que cela soit possible sans y perdre mon âme, mais désormais, je perçois clairement la machine inhumaine qu’ils ont construite. Le manque de sens y est généralisé à tous les échelons. Un individu ne peut se définir par lui-même et croire qu’il va pouvoir s’en sortir face à la machine. Non, il va perdre l’intuition du pauvre tout en étant soumis aux tentations du riche. Il fera son propre malheur. La richesse individuelle suppose un degré de liberté et de moralité que peu d’âmes peuvent atteindre surtout dans notre société de l’individualisme.

 

L’horreur des bonnes intentions seules.

La première erreur que le riche de notre société a commise, est d’avoir voulu guérir ce monde de la pauvreté. Ainsi, il a détourné le regard de sa propre misère en croyant aider son prochain. Par la suite, il a créé un monde toujours plus inhumain en se donnant bonne conscience. Le dicton populaire dit que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». C’est encore pire. Je pense que l’enfer, ce ne sont que de bonnes intentions rendues aveugles par le manque d’introspection intérieure. Hitler voulait faire le bonheur de son peuple. Dans notre société, le riche a cru pouvoir se passer des souffrances familiales en tuant le père tandis qu’il était en train de mourir spirituellement de ses absences. Et il a cru que la pauvre pourrait s’en passer tout comme lui, quand le pauvre n’a que sa famille pour se raccrocher et apprendre l’interdépendance.

 

Moralité / égalité.

Ainsi, les femmes ont pris le pouvoir, par les bonnes intentions, par cette moralité dégoulinante qui n’en est pas une. Elles ont étendu leur contrôle pour empêcher la pauvreté et la souffrance. Nous en sommes revenus à l’état de bêtes. Et bientôt, nous allons même perdre ce dont nous nous glorifions : l’argent. Retour de bâton qui n’est que justice. Quand les hommes perdent toute liberté, ils se départissent du pouvoir de lutter contre les erreurs de ce monde. Nous ne pouvons nous en sortir sans adaptation. Or au nom de la lutte contre la pauvreté, nous avons privé doucement les hommes de leur liberté. La richesse ne peut constituer qu’une redistribution d’hommes moraux. Elle fuit l’égalitarisme. En voulant imposer une égalité de fait, nous avons donc fait la pauvreté de tous. Et entre temps, les institutions ont flanché sous le poids de notre moralité bête.

 

Institution/moralité

Car les institutions ne vivent que de la moralité des hommes, aussi intelligentes qu’elles aient été pensées. Ainsi, ces mêmes institutions calquées sur une morale catholique sont devenues des instruments d’oppression quand l’esprit catholique a fui la société. Une oppression pour le bonheur de tous bien entendu. Une oppression que nous avons acceptée aussi, parce qu’elle nous donnait notre pain quotidien, et même plus. Nous nous sommes fait acheter pour un bout de pain. Quand un homme doit tout à la société, il perd sa liberté. C’est l’histoire de la décadence romaine qu’on raconte toujours de manière incomplète. On sait que l’élite socialiste est devenue corrompue à un niveau rarement atteint par une société dans l’histoire. On oublie de parler de la corruption d’un peuple qui a accepté de se laisser acheter. L’élite n’est que l’émanation d’un peuple. Et quand ce dernier renonce à être grand, son élite devient médiocre. En vérité dans les grandes civilisations, quand tout va bien, le peuple est debout, et l’élite à genoux devant Dieu. Tout l’inverse de nos sociétés actuelles en pleine décomposition.

 

Regrets.

Contre cela, il est difficile d’agir. Cela aurait été plus facile dans les débuts quand le mal a pris. Mais personne ne nous avait dit. Nous ne connaissions pas bien toutes les roueries du mal. Il a même réussi à nous faire croire qu’il n’existait pas. Summum de la manipulation. Aujourd’hui, tout se conjugue pour empêcher les adaptations. Nous avons pris l’habitude de notre servage moral, et nous ne comprenons pas qu’un être puisse penser différemment. La déconstruction surtout est vue comme positive.Or sans culture, il ne faut pas imaginer pouvoir être libre. Cette notion même de sacrifice pour la communauté est devenue suspecte. Nous avons peur des tyrans sans Dieu que nous avons installés. Et individuellement, nous refusons la liberté que Dieu nous donne par peur de la tyrannie. Cela va donc être compliqué.

 

Société d’autistes.

 

Le refus du bien et du mal, nous a laissé orphelins des clés de compréhension de ce monde, raison pour laquelle nous avons perdu toute confiance en notre prochain. En effet, il nous est devenu impossible de le comprendre, car nous nous sommes privés de nous comprendre nous-mêmes par la confession. Nous ne voyons plus notre propre misère car un être de notre société est surtout aveugle sur lui. Et nous espérons devenir plus fraternels sans savoir comment faire, ce qui même à l’épuisement moral. Or comment faire sans l’amour du Christ, même s’il s’agit de petits sacrifices ? On le voit bien, c’est devenu très difficile.

 

Pluie, tempête.

Le temps même qui nous avait été donné pour nous préparer aux épreuves semble terminé. Ce temps, nous l’avons gaspillé dans la consommation jusqu’à l’endettement. Nous aurions pu construire une petite société paisible. Nous avons accouché d’un ogre qui détruit les familles, détruit les institutions, détruit la moralité individuelle, et à la fin s’attaque aux dernières personnes libres de cette société, s’il ne les extermine pas. Alors que nos vaches étaient grasses, nous avons sacrifié l’amour à l’autel de nos appétits sexuels. Que va-t-il en être maintenant que nos vaches meurent ?

Or voici que de sombres nuages s’amoncellent au-dessus de nos têtes et semblent précipiter la catastrophe. Je croyais que nous aurions le temps de prendre conscience de nos erreurs, au moins pour pouvoir repartir sur de bonnes bases, mais le diable ne semble pas vouloir nous laisser cette chance. La brutale épidémie refait son apparition dans nos existences pour nous rappeler au principe de réalité. J’aimerais que nous sachions, penser en dehors des catastrophes. Mais je sais trop bien à quel point l’humanité désire faire table rase de son passé pour pouvoir se permettre le luxe de reproduire les mêmes erreurs, voire de faire pire.

 

Bilan avant déluge.

Avant que les esprits n’aient donc été rendus complètement fous par les circonstances, j’aimerais donc en appeler à la transmission, pour les générations futures. Non, la crise que nous connaissons n’est pas le fait de quelques financiers obscurs. Non, la maladie ne s’est pas répandue par hasard dans notre société riche à la pointe de la science. Oui, nous avons tous, individuellement, mal agi, et nous avons voulu rejeter nos responsabilités sur les autres. Nous nous sommes permis le luxe de détester la compétence, parce qu’elle nous renvoyait à nos propres faiblesses. Nous étions riches, alors qu’importe ? La richesse écarte des réalités. Nous n’avons pas lutté contre ce mouvement et nous en sommes punis. Voilà l’esprit qui nous a conduit à la catastrophe, un esprit individualiste incapable de penser la moralité, un esprit niais qui a voulu faire le bonheur de tous en oubliant de se regarder. Nous avons crevé de richesse mais toute la richesse du monde ne suffira pas, et ne suffira jamais à nous rendre humains. Dans le futur, ceux qui voudront s’élever au-dessus de leur condition naturelle, devront bien se rappeler cette règle essentielle : on ne s’élève pas au-dessus de la nature en la niant, mais en la prenant en compte comme une contrainte libératrice, quel que soit d’ailleurs le niveau de nos connaissances scientifiques.

En banalisant les comportements amoraux, homosexualité, infantilisme, confusion des sexes, individualisme, sexe-objet, et en en faisant même une émanation naturelle pour troubler les esprits, nous nous sommes rabaissés en dessous du règne animal. Par notre absence de moralité, nous avons aussi voulu imposer ces préceptes dégradants à tous, tandis que la moralité est d’abord assise sur la plus grande des libertés : celle de choisir entre le bien et le mal, et d’avoir les moyens de ce choix. Or de choix, nous n’avons pas voulu nous en donner. Cela existait, c’était donc bon. Et en niant notre essence, nous nous sommes alors privés de toute liberté.

 

Le monde change, il n’en sera pas plus moral.

Préparez-vous mes frères. Les nouvelles règles de vie en société vont être bien trop dures après avoir été bien trop laxistes. Et ce seront les mêmes qui par leur absence de moralité, imposeront avec rigueur, ce que par le passé, ils ont négligé. Ainsi en va-t-il du mal, qui ne cherche pas la Vérité, mais seulement sa propre survie et qui fait le malheur de tous.

3 réponses à “La queue du chien”


  1. Avatar de Léonidas Durandal

    “Emmanuel Macron fustige les défenseurs des APL en invoquant Arnaud Beltrame”, Le Point du 07/05/2018.

    C’est vrai que ce débat manque d’une perspective glorieuse. Maintenant, avant de faire de grandes choses, il faut peut-être régler les petites. Certes ce système d’allocation est débile. Mais il a été mis en place alors que personne n’en avait besoin. Aujourd’hui, beaucoup ne peuvent pas s’en passer. Et l’Etat apparaît toujours plus comme un ogre irresponsable. Le poids des erreurs du passé…


  2. Avatar de Léonidas Durandal
    Léonidas Durandal

    Ben si on voulait traumatiser des enfants, on ne s’y prendrait pas autrement.

    Everybody – Outdoor installation – Summersalt Festival from Snuff Puppets on Vimeo.

    https://vimeo.com/snuffpuppets/everybodyoutdoors

    Regardez moi cette bande d’abrutis de parents qui applaudissent à un tel spectacle. Ils se sont bien amusés, le show est terminé, on les a bien servis. Du pain et des jeux pour le petit peuple !


  3. Avatar de Léonidas Durandal
    Léonidas Durandal

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