(Roman) Incendie à Tanger

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Comme de nombreux hommes modernes, Michel est paumé. Malgré le boulot, le beau petit appartement, et la petite vie rangée. S’il semble aimer son travail, il ne le contente guère. Il lui manque quelque chose. Mais quoi ?

Certainement cette vie familiale à laquelle il aspire sans vraiment la désirer. Au fond de lui, un reste d’utopie romantique surnage et le travaille à l’âme.

Seulement l’ardeur d’une jeunesse où tout semblait évident s’est éloignée, et avec elle, ses certitudes et sa force. Reste l’indécision.

Confortablement installé dans ses charentaises, il personnifie cette sécurité à laquelle tant de femmes aspirent, tout en les dégoûtant d’elles-mêmes. Michel, l’égocentrique, parangon du libéralisme, n’ayant même pas eu de parents pour le guider, incarne cette ambivalence. Bon parti qui, comme beaucoup, ne s’est pas encore résigné à la solitude, c’est un homme normal dans un monde qui ne l’est plus tellement et qui se cherche. Et puis, tout serait si simple si la vie pouvait décider à sa place, si la religion pouvait décider à sa place, si les femmes pouvaient éveiller en lui un désir certain et si elles pouvaient se contenter de ce qu’il est. Seulement, le monde ne se berce pas d’illusions.

Suite à une énième rupture amoureuse, il recommence à fréquenter ce microcosme parisien fait de célibataires aussi paumées que lui. A son âge, ses fréquentations sont celles de femmes à son image, qui n’ont pas su ou voulu faire des choix, beaucoup de matérialistes qui désormais pressées par leur horloge biologique, envisagent de se caser tardivement, cherchent le prince charmant de la manière la plus maladroite qui soit, en multipliant les aventures autant par peur de rester seules que par peur de s’engager, malades d’elles-mêmes, ou de la société, au choix, fausses jouisseuses espérant briller dans le miroir aux alouettes.

Comme lui, elles voudraient se trouver face à l’évidence de l’amour ou de la matérialité entre lesquels elles oscillent, tandis que leur indécision, surtout face au masculin, les perd.

Entre la gauchiste du Limousin ouverte à toutes les bourses, et la potiche juive vénale qui a déjà poussé au suicide l’un de ses ex, son coeur balance. Et puisque pour se décider, elles-mêmes attendent de lui une virilité qu’il n’a pas mais qui leur ferait peur s’il l’avait, la progression des relations amoureuses de Michel se fait dans le plus grand des chaos. Le chaos engendrant le chaos, Michel finira par être choisi de Nadine.

Celle-là va lui faire découvrir que le fond de la piscine est beaucoup plus profond qu’il ne l’imaginait. Comme un petit agneau qui doit être immolé, Michel va suivre le boucher bien gentiment, jusqu’à sa chute finale. Bien entendu, avant, il en appellera comme tous les autres, au bon sens général, et de sa femme en particulier, aux « institutions républicaines », à la « justice », à la « morale. Mais il ne trouvera en eux que l’image de son propre laisser-aller, en bien pire, puisqu’il leur servira de bouc-émissaire.

Hésitant entre documentaire, autofiction et dystopie, ce roman reste facile de lecture, sauf dans les passages militants qui brisent la distance avec le lecteur. Il vous fera entrer dans la tête d’un de ces nombreux hommes qui s’est fait broyer par la justice aux affaires familiales sans l’avoir vu venir, à cause de ses certitudes sur l’oppression des femmes, et qui a décidé que la moindre des politesses fût de témoigner.

L’intérêt réside aussi dans la diversité des personnages rencontrés, avec tous une même blessure au coeur, étonnement nombreux, tandis que le manque d’empathie plombe les descriptions et les analyses. Seul le moment où Michel reconnaîtra qu’il aime malgré tout Nadine constituera un contre-exemple intéressant à cette règle, quand bien même cet élan d’honnêteté lui servira à mieux se réfugier dans sa déception. Cependant, pouvait-il en être autrement dans un roman sur la souffrance masculine, radeau de la méduse qui aborde des terres inconnues à notre société jusque là ?

 

 

Extrait p 219 : l’avocat essaie de réveiller son client

« Vous savez, une femme adultère dans notre civilisation cela ne veut plus dire grand-chose, nous ne sommes ni en Iran, ni en Afghanistan et vous ne pouvez aller contre les droits des femmes d’autant plus que 95 % des juges sont des femmes et qu’elles sont solidaires entre elles… La femme adultère aura quand même la garde des enfants, la pension, voire la prestation compensatoire. Vous ne pouvez pas vous élever contre des décennies de féminisme, de revendication des droits des femmes. Leurs grandes conquêtes sont l’avortement, le divorce… Le droit au divorce exige le droit à fournir de faux témoignages puisque c’est le fonctionnement normal de la procédure…

_ Mais c’est dégueulasse.

_ Pas plus que beaucoup de choses dans la société française. »

2 réponses à “(Roman) Incendie à Tanger”


  1. Avatar de Mindstyle
    Mindstyle

    http://www.leparisien.fr/faits-divers/elle-avait-etrangle-la-compagne-de-son-amant-trente-ans-de-prison-confirmes-en-appel-07-07-2017-7117863.php

    Et pourtant, certains articles trouvent encore des circonstances atténuantes pour expliquer le geste de cette espèce de pourriture…

    D’abord, l’incitation à l’adultère, la destruction des familles, et ensuite, l’assassinat.

    Finalement, le film Liaison Fatale avec Michael DOUGLAS n’a rien d’une fiction.


    1. Avatar de Léonidas Durandal

      Ici le système bugue, car une femme s’attaque à une femme. Dès lors, la femme va être justement punie, contrairement à une affaire dont l’homme aurait été victime.


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